Blaise Goetschin: « L’entrée en vigueur de la loi LSFin sonne le glas de la gestion advisory – Il faut construire la relation client sur la base d’un mandat »

Blaise Goetschin: « L’entrée en vigueur de la loi LSFin sonne le glas de la gestion advisory – Il faut construire la relation client sur la base d’un mandat »

janvier 13, 2020 Non Par Invité(e)s

Alors qu’à la tête des principales institutions européennes des femmes s’imposent par leur charisme et leur efficacité, une genevoise se démarque dans la cité de Calvin. ReprésenL’entrée en vigueur de la loi LSFin sonne le glas de la gestion advisory. Gage de productivité et de performance, la gestion discrétionnaire implique une évolution de la relation avec les clients, que doit accompagner la politique d’entreprise. Explications de Blaise Goetschin, CEO de la BCGE.

Propos recueillis en exclusivité pour Point de Mire par Anne Barrat

Point de Mire : Si vous ne reteniez qu’un point clé pour 2020, quel serait-il ?

Blaise Goestchin : La fin de la gestion advisory sous-jacente à la LsFin implique une évolution majeure de la gestion de portefeuille vers un cadre beaucoup plus formel, documenté. Pour l’accompagner, la bonne réponse pour nous est de construire la relation sur la base d’un mandat. Autrement dit, soit le client gère lui-même ses actifs, c’est alors de l’execution only -une solution adaptée à des investisseurs professionnels, qualifiés, qui prennent leurs décisions -soit le client a besoin de conseils de professionnels pour optimiser son portefeuille, auquel cas il délègue la gestion de ses actifs. Rester au milieu du gué, encore plus dans le nouvel environnement réglementaire qu’auparavant, c’est-à-dire donner une recommandation par-ci par-là à un client, avec le risque de le réinterpréter voire laisser déformer la stratégie globale de son portefeuille n’est efficace ni pour lui ni pour nous. Nous devons prendre l’entière responsabilité de la gestion, en commençant par se mettre d’accord dès le départ avec le client sur le cadre du mandat, les univers d’investissement et choix d’allocation, les restrictions liées aux risques, puis s’en tenir à ce cadre fixe et précis.

PdM : Quel sera l’impact du passage à la gestion discrétionnaire sur vos clients actuels ?

BG : Près du tiers de nos clients ont déjà opté pour le mandat. Ceci est le résultat de notre politique ancienne de privilégier les mandats discrétionnaires, même si cette dernière n’était pas aussi affirmée, ni exclusive, qui côtoyait d’autres formes de conseils au fil du temps. Ce type d’échanges ne sera désormais plus possible, sauf à établir un protocole pour chaque conseil, chaque intervention, ce qui n’est pas faisable concrètement. Un processus structuré s’impose. Nous y voyons un enjeu de productivité, de qualité, de capacité de répondre à la fois aux exigences des clients et réglementaires. Plusieurs milliers de clients sont concernés par cette clarification de la relation, dont ils ont, je le répète, tout à gagner. Tant il est vrai que cette nouvelle relation implique une vision globale de la gestion de son patrimoine et non plus celle de savoir si à un instant T il faut acheter du Roche ou du Novartis. Tout le monde y gagnera en temps, en performance ainsi qu’en coût minimisé du risque.
L’impact financier est tout à fait raisonnable : les frais de gestion, qui couvrent tous les coûts, depuis la construction du portefeuille jusqu’aux conseils, s’élèveront à 1.5% jusqu’à 500’000 francs suisses puis seront dégressifs au-delà. Un chiffre à mettre en perspective du coût qu’engendrerait théoriquement toute intervention ponctuelle dans le cadre de LSFin en raison des frais de formalisation et de reporting qu’elle impose.

PdM : Comment ce passage va-t-il se passer concrètement ? Quels défis voyez-vous ?

BG : Nous allons approcher les clients pour savoir s’ils sont prêts à passer à la gestion discrétionnaire ou bien s’ils préfèrent rester sur la plateforme 1816 d’execution only que propose la BCGE. Dans ce second cas, nous leur indiquerons que la nouvelle réglementation ne laisse pas vraiment le choix : tout conseil ponctuel engendre le remplissage d’un formulaire par nos soins, ainsi qu’un suivi lourd afin de satisfaire aux exigences de contrôle. Une procédure fastidieuse. Rester dans cette zone grise suppose d’exercer une surveillance, ce qui n’est pas strictement impossible mais pratiquement ni productif, ni intéressant in fine pour les clients. Les freins à l’adoption du mandat sont essentiellement culturels. Certains clients ont peur d’une gestion centralisée, discrétionnaire, qui est pourtant depuis longtemps la norme aux Etats-Unis. Contrairement aux pays méditerranéens, moyen-orientaux ou encore asiatiques, où les mentalités sont encore plus réservées à l’égard de ce type de mandat. Entre ces deux extrêmes, se situent l’Allemagne ou encore la France, plutôt favorables à la gestion discrétionnaire. Les Suisses n’en sont pas loin. L’ensemble de nos clients sont concernés par cette transition, étant rappelé que la part des actifs étrangers que nous gérons ne représente pas plus de 20% des actifs totaux. En effet, même si nous avons des bureaux à Dubai, à Hong Kong, même si nous comptons des clients de toutes les nationalités, la BCGE est une banque cantonale et locale avant d’être internationale.

PdM : Comment la politique d’entreprise peut-elle accompagner cette évolution vers la gestion discrétionnaire ?

BG : Le La réponse est simple, qui tient à notre capacité à recruter et garder des talents. Notre politique d’entreprise est fondée sur une religion du talent, aux dépens de toute préférence nationale, de genre, d’âge. Le talent est notre credo, la diversité notre modus operandi pour le réaliser. Une diversité qui s’illustre de multiples manières. La multi-culturalité de nos équipes en est une. Nous parlons russe à un client russe, chinois à un client chinois, etc. Le degré d’expertise de celles-ci, par ailleurs : nous embauchons aussi bien des jeunes que des seniors. L’importance des femmes dans la banque, enfin : non seulement de nombreux postes de direction sont occupés par des femmes – dans des domaines aussi variés que l’audit, les ressources humaines, la communication, la compliance, jusqu’à la Chief (cheffe) Economist, mais aussi la BCGE était en 2018 la première des banques cantonales en nombre de femmes inscrites au registre commerce (mandataires, fondées de pouvoir, directrices) en proportion du nombre total de salariés de la banque. Avec une disparité salariale non significative à niveau de formation, de compétences et de responsabilités comparables. Cette identité forte et multiculturelle est la clé de notre compétitivité dans un environnement extrêmement concurrentiel.

Blaise Goetschin est titulaire d’une licence en gestion d’entreprise de HEC Lausanne (1981). 1982, auditeur senior, Pricewaterhouse Genève. 1985, deputy vice president, Capital Markets Credit Suisse, Zurich. 1988, senior vice president, CS Corporate Banking, New York. 1990, membre de la direction, responsable de CS Corporate Finance pour la Suisse romande, Berne et Bâle. 1993, head CS Corporate finance : sociétés privées en Suisse. 1995, chef du Service des finances de l’Etat de Vaud. Major aD Armée suisse. 1998, CEO Banque Fiduciary Trust International, Genève, gestion institutionnelle et privée, filiale suisse du groupe basé à New York. 2000, président de la direction générale de BCGE.