La banque zurichoise Vontobel vient de publier ses résultats. En 2024, l’établissement a vu son revenu avant impôts bondir de 32,2% à 353,8 millions de francs, tandis que le bénéfice net s’est envolé de 24% à 266,1 millions. La banque de gestion a donc nettement amélioré sa rentabilité l’année dernière, notamment grâce à une compression des coûts et à l’arrivée de nouveaux fonds. Les actionnaires profiteront, eux, d’un dividende inchangé. La banque a également bénéficié de solides afflux d’argent nouveau, qui se sont élevés à 2,6 milliards sur l’exercice écoulé, après des sorties de fonds de 3,5 milliards un an auparavant. Christel Rendu de Lint, Co-CEO de Vontobel, a accepté l’exercice de l’interview avec «Point de Mire».
PdM: Mme Christel Rendu de Lint, quel fut votre parcours académique et professionnel avant de rejoindre Vontobel ?
Christel Rendu de Lint:
Après mes études en économie à l’Université de Saint-Gall, j’ai complété mon doctorat à la London Business School et, durant cette période, j’ai effectué diverses missions de recherche notamment au sein du Fonds monétaire international (FMI) et pour le compte du Trésor britannique. En 2000, j’ai pris un poste d’économiste senior chez Morgan Stanley à Londres, avant de revenir en Suisse où j’ai rejoint Pictet comme Portfolio Manager dans le segment obligataire en 2003. En 2007, j’ai exercé chez UBP en tant que responsable Fixed Income. J’y ai fortement développé les activités jusqu’à mon départ en 2021 pour intégrer Vontobel dans sa division Investissements.
Quelle a été votre progression chez Vontobel jusqu’à votre poste actuel? Quelles sont vos fonctions dans le groupe aujourd’hui ?
En mai 2021, j’ai rejoint Vontobel en tant que Deputy Head Investments et membre du Global Executive Board. En janvier 2023, j’ai été nommée Head Investments et donc responsable de toutes nos équipes d’investissement et des quelque 300 experts en investissement de la société. Ces équipeservent nos deux segments: la clientèle privée et institutionnelle. Au 1er janvier 2024, Georg Schubiger et moi-même avons été nommés Co-CEOs de Vontobel.
Quelles ont été vos premières mesures en tant que Co-CEO ?
Notre objectif est que la banque soit reconnue comme leader en matière d’investissements pour les clients privés et institutionnels. En 2024, nous avons pris plusieurs mesures pour se donner les moyens d’y arriver. D’abord, nous nous sommes réorganisés en deux segments clients dédiés, ce qui a eu pour effet de permettre des interactions clients plus ciblées et a contribué favorablement à nos afflux.
Que signifie Co-CEO, et en quoi consiste ce rôle au sein de la banque ?
Cela veut dire que nous dirigeons l’entreprise ensemble, de façon conjointe. Pour ce faire, nous avons mis en place des structures claires pour aborder et traiter tous les sujets. Il y a des thèmes pour lesquels l’un de nous est plus fortement ancré et jusqu’à présent, nous avons toujours trouvé des solutions pour avancer selon les ambitions que nous avions communiquées. Notre équipe exécutive est hautement qualifiée et nous travaillons de concert avec elle en tout temps.
Quel est votre style de management ?
Je pratique un style de management très ouvert et collaboratif, basé sur le respect et la confiance. Dans mon rôle, je m’appuie sur les apports précieux de nos spécialistes. De plus, je me réjouis toujours de voir à quel point nos collaborateurs sont pointus et désireux d’assumer des responsabilités.
Vous avez d’ailleurs effectué des acquisitions.
Nous avons complété notre croissance organique dans le segment clients privés par l’acquisition du portefeuille de clients d’IHAG Privatbank. Cette acquisition renforce notre présence dans la région DACH avec les clients high et ultra-high-networth. Elle a été finalisée début 2025 et a un impact positif sur le bénéfice net de Vontobel avec effet immédiat. Nous avons étendu nos compétences d’investissement avec l’acquisition d’une participation minoritaire importante dans Ancala, un gestionnaire d’infrastructure privé basé à Londres. Notre objectif est que la banque soit reconnue comme leader en matière d’investissements pour les clients privés et institutionnels. En 2024, nous avons pris plusieurs mesures pour se donner les moyens d’y arriver. D’abord, nous nous sommes réorganisés en deux segments clients dédiés, ce qui a eu pour effet de permettre des interactions clients plus ciblées et a contribué favorablement à nos afflux.
Et les coûts ont été réduits ?
Nous avons en effet annoncé un programme de réduction de nos coûts de 100 millions de francs suisses d’ici à 2026. L’impact en 2024 dépasse nos attentes et nous continuerons avec le même engagement. Cela nous permettra d’améliorer notre marge de manœuvre pour nos investissements stratégiques.
En quelques phrases, expliquez-nous l’histoire de la banque.
Fondée en 1924, Vontobel est une société d’investissement internationale basée à Zurich, spécialisée dans l’investissement et la gestion de fortune pour les clients privés et institutionnels. Vontobel est une entreprise familiale; la famille Vontobel et la fondation Vontobel possèdent une majorité des actions et des voix. En parallèle, les actions nominatives de Vontobel Holding AG sont cotées à la Bourse suisse. Cette combinaison marque positivement notre entreprise: nous avons la transparence et gouvernance d’une entreprise cotée et la vision à long terme d’une entreprise familiale. La famille nous soutient à 100% dans ces réflexions à long terme.
Quelle est votre activité à l’étranger ?
Comme nous l’avons expliqué lors de notre Investor Day 2024, pour la clientèle privée notamment, Vontobel se focalise sur des marchés clés. Ceux-ci comprennent des pays et des régions majoritairement développés, comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie, les États-Unis et, très important, notre marché domestique, la Suisse. Nous sommes également actifs en Asie pour les clients institutionnels.
Quelle est l’importance de Genève dans le groupe, que faudrait-il encore développer ?
Genève est un de nos plus grands sites au niveau mondial. Cela souligne l’importance que nous accordons à la place financière genevoise, et à toute la Suisse romande, étant également présents à Lausanne. Il nous tient à cœur d’être proches de nos clients romands.
Christel Rendu de Lint a rejoint Vontobel en mai 2021. Elle est Co-CEO et Head of Investments. Avant cela, elle était Head of Fixed Income chez Union Bancaire Privée (UBP) depuis 2007. Auparavant, elle a travaillé en tant que Senior Fixed Income Portfolio Manager chez Pictet. Elle a commencé sa carrière dans le secteur financier en 2000 chez Morgan Stanley à Londres comme Senior Economist dans la recherche sur les actions (sell-side).
Comment vous distinguez-vous de vos concurrents à Genève?
L’approche de Vontobel est unique, constante et a fait ses preuves. Elle ne dépend pas du lieu. Ce qui nous distingue? Je citerais à nouveau la structure de notre groupe: cotée en Bourse, mais détenue majoritairement par la famille fondatrice. En outre, nous nous distinguons par le fait que nous mettons toutes nos équipes d’investissement et donc la même expertise en face de tous nos clients sans distinction, qu’ils soient privés ou institutionnels. Tous bénéficient des mêmes compétences de pointe.
Quel est votre lien avec les Genevois?
Je suis moi-même originaire de Genève et j’ai passé la majorité de ma vie professionnelle et personnelle dans la Cité de Calvin. Genève restera toujours ma ville natale et celle de mon cœur. Et c’est aussi le cas pour mes collègues sur site – ils sont parfaitement ancrés localement. Nos clients nous confirment que cet attachement est particulièrement apprécié.
Quelles sont les nouvelles demandes de la clientèle ?
Ce que nous observons de plus en plus, c’est une demande pour la diversification à travers les classes d’actifs et les styles de gestion ainsi que des solutions d’investissement sur mesure. Nos experts sont des professionnels spécialisés dans leur classe d’actifs. Nous fournissons des solutions compétitives au niveau international avec des performances avérées, tant pour les clients institutionnels que pour les particuliers. En outre, certains clients misent de plus en plus sur les contacts numériques. Nous accompagnons cette tendance depuis de nombreuses années déjà et disposons des canaux nécessaires, que nous développons en continu. En termes de classes d’actifs, nous constatons une demande croissante pour les investissements sur les marchés privés. Là aussi, beaucoup de choses se sont passées chez Vontobel au cours des douze derniers mois, notamment en matière d’offre de private equity et private infrastructure. Et vous pouvez vous attendre à d’autres développements.
«Nous avons été surpris de constater à quel point l’appétit au risque de certains clients est resté bas.»
Pourriez-vous résumer les résultats de Vontobel en 2024 ?
Nos résultats financiers pour 2024 sont très positifs, de même que le progrès que nous avons fait sur le plan stratégique. Nous avons enregistré une forte croissance des bénéfices avant impôts de 32%. Nous avons retrouvé une dynamique commerciale positive, avec des afflux nets pour le groupe et une hausse des avoirs sous gestion et des revenus dans nos deux segments clients (privés et institutionnels). Notre bilan est solide, tout comme notre position en capital propre. Par ailleurs, nous sommes en mesure de proposer un dividende de 3 francs qui correspond à un payout ratio de 64% et avons conclu deux acquisitions stratégiques pour Vontobel.
Quelles ont été les bonnes et les mauvaises surprises ?
Nous avons été surpris de constater à quel point l’appétit au risque de certains clients est resté bas. Comme beaucoup de nos compétiteurs actifs, nous en avons souffert, et ce, malgré de bonnes performances de nos fonds. En termes positifs, Georg Schubiger (l’autre Co-CEO, ndlr) et moi avons eu la chance de prendre nos rôles dans l’année du 100 e anniversaire de Vontobel. Cela nous a permis d’être en contact avec beaucoup de clients et d’apprécier la confiance qu’ils portent à notre maison.
Quelle est la stratégie générale de Vontobel aujourd’hui ?
Lors du dernier Investor Day de novembre 2024, nous avons réaffirmé notre stratégie: nous sommes une société de gestion active, se concentrant sur deux segments de clientèle complémentaires et diversifiés que sont les clients privés et institutionnels. À cela s’ajoutent les trois priorités suivantes, basées sur les compétences clés de l’entreprise, qui ont été définies pour les années à venir: créer de la valeur pour les clients grâce au conseil, à la gestion active et à des solutions sur mesure; avoir une croissance rentable dans les segments de la clientèle privée et institutionnelle; atteindre les objectifs d’efficacité. En investissant stratégiquement dans nos capacités et en gardant le cap, nous sommes bien placés pour générer une croissance et un succès durables pour nos clients, nos employés et nos actionnaires.
Vontobel Genève et l’Université
Une première collaboration réunit Vontobel Genève, la Geneva School of Economics and Management (GSEM) et le Geneva Finance Research Institute (GFRI) de l’Université de Genève. Dans le cadre de cette collaboration, Vontobel Genève s’engage à proposer chaque année, pendant trois ans, une place de stage aux étudiants inscrits dans le programme de Master en gestion de patrimoine (GEMWeM). Ces stages, d’une durée minimale de douze semaines, font partie intégrante du programme du GEMWeM et ont pour but de permettre aux étudiants d’acquérir une expérience pratique en parallèle de la rédaction de leur thèse, le tout en étant encadrés par des experts de l’Université de Genève et par des professionnels expérimentésdelafinance. Parailleurs,Vontobel Genève annonce également la signature d’un partenariat avec le Geneva University Investment Club (GUIC), le club d’investissement interfacultaire de l’Université de Genève.
Les coupes dans les coûts doivent s’élever à 80 millions en 2025
Les effectifs de la banque sont quasiment restés stables en 2024, à 2264 postes contre 2274 fin 2023. L’évolution des fonds est décrite avec des sorties de 2,1 milliards chez les clients institutionnels (après -7,6 milliards en 2023) et des entrées de 4,6 milliards auprès de la clientèle privée (+3,2 milliards). Grâce à ces entrées de liquidités et à l’évolution positive des marchés financiers, les avoirs sous gestion ont crû de 10,8% à 229,1 milliards. L’année dernière, la banque avait annoncé un programme de réduction des coûts, ciblant des économies totales de 100 millions de francs d’ici à fin 2026. En 2024, les coupes dans les coûts ont atteint 45 millions et doivent s’élever à 80 millions en 2025.
