UBS/CS : ET MAINTENANT?

juin 6, 2023 Non Par Edouard Bolleter

Quelques mois après son annonce, la reprise de la banque aux deux voiles par le désormais mastodonte UBS pose des questions aussi larges qu’anxiogènes parfois. En quatre points, voici un florilège des incertitudes et espoirs relevés par les acteurs financiers romands.

Par Edouard Bolleter

Quelques mois déjà, quelques mois seulement. Quelques mois n’auront évidemment pas suffi à effacer les traces du traumatisme induit par la reprise au mois de mars du Credit Suisse par son concurrent et voisin UBS. Mais les semaines passées ont été très riches en enseignements et en questionnements. Le premier constat est celui de l’existence d’une énorme opportunité pour les autres acteurs de la finance suisse. Interrogé à ce sujet, Hervé Ordioni, CEO de la banque privée internationale au sein du groupe Edmond de Rothschild, n’a pas hésité à nous résumer cet état de fait opportuniste notamment dans la recherche de talents: «Le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres, ainsi que le dit l’adage. Cette fusion crée des insatisfactions chez les clients et chez les collaborateurs dans les deux banques. Des personnes nous contactent et nous étudions naturellement les dossiers dans le cadre de notre stratégie de développement en Suisse. Le marché helvétique détient un potentiel important et confirmé. Notre croissance s’inscrit dans le temps et, pour nous, les limites sont faites pour être repoussées.» Un postulat ambitieux et affiché qui pourrait être celui de nombreuses autres banques aujourd’hui en Suisse. Car la part du gâteau est gigantesque et tout le monde peut se mettre sur les rangs, ainsi que le déclare ouvertement George Falkner, le CEO de la banque Saxo en Suisse: «Saxo Bank peut faire partie des prétendants.»

Des dizaines de milliards à récupérer

Car les chiffres sont ahurissants. Au premier trimestre 2023, principalement dans la seconde partie du mois de mars, les sorties de fonds ont été «importantes», a révélé la banque dans un communiqué. Le total se monte à 61,2 milliards de francs avant mais aussi après l’annonce de la fusion avec UBS. Il faut rappeler que lors du dernier trimestre de 2022, les sorties nettes étaient le double de ce chiffre et que les sorties de capitaux «se sont ralenties mais pas encore inversées en avril 2023», a encore précisé la banque. Celle-ci ajoute que les sorties de dépôts ont représenté 57% des sorties nettes d’actifs dans la gestion de fortune et l’entité suisse. On comprend alors rapidement que les flux à récupérer sont gigantesques sur une petite période. Les chiffres manquent concernant les autres activités de la banque, que ce soient par exemple les hypothèques, le retail, les financements du trading ou des entreprises. Mais le doute est levé, les affaires à récupérer rapidement dans ce secteur vont également faire le bonheur de très nombreux acteurs financiers suisses (ou étrangers) à l’affût ces prochaines semaines.

«Le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres, ainsi que le dit l’adage. Cette fusion crée des insatisfactions chez les clients et chez les collaborateurs dans les deux banques.»

Une activité à Genève à reprendre

De très bons dossiers de clientèle sont à reprendre à Genève par exemple. Pascal Besnard, responsable de la région Genève du Credit Suisse, décrivait en février dernier encore à Point de mire, les excellents résultats de «sa» région: «Contrairement à cette image ternie, les résultats que nous avons réalisés l’an passé à Genève au sein de la division suisse ont été brillants dans tous nos segments: clientèle, privés, commerciaux et institutionnels. Notre présence locale reste une pierre angulaire de notre stratégie, combinée à notre expertise mondiale pour répondre aux attentes de nos clients. Nous avons été la meilleure région suisse dans le private banking. Genève est clairement sortie du lot.»

Un Credit Suisse «bis» à surveiller

C’est davantage qu’une rumeur, UBS travaille à une scission de la branche suisse du Credit Suisse, qui cherche à fidéliser ses employés essentiels. Le patron du Credit Suisse Suisse, André Helfenstein (55 ans), serait candidat pour continuer à diriger cette entité, qui serait externalisée. Ainsi, Credit Suisse a identifié une liste d’employés considérés comme cruciaux pour la bonne marche des affaires jusqu’à la conclusion du rapprochement entre les deux banques, révèle l’agence Bloomberg. Selon l’agence, ces collaborateurs et collaboratrices expérimentés ont reçu des lettres, leur garantissant des bonus en cash et en actions UBS. Un groupe plus large d’employés – comptant des gérants de fortune, des spécialistes en investissements et des personnes capables de faire fonctionner les systèmes de la banque – est aussi susceptibles de recevoir des bonus basés sur la performance.

Des cadres à intégrer

L’aspect humain devient également une source d’opportunités dans la crise. Fondateur du cabinet de recrutement Quest Advisory Services, Christophe Mauron dans la Tribune de Genève estime de son côté que «cette absorption pourrait se faire sans trop de casse sur le long terme». Et rappelle qu’«on a réussi à oublier que, après la crise de 2008 – doublée de la fin du secret bancaire –, près d’une centaine de banques avaient été fermées ou rachetées… des petites, mais aussi de grands noms comme Merrill Lynch ou Wegelin». Avant de pointer que «la grande majorité» de leurs collaborateurs avaient retrouvé un poste, dans le secteur. Pour rappel, à Genève, le taux de chômage de 3,8% – le reflet des 14 000 personnes en recherche d’emploi – est au plus bas depuis trente ans. Des employés et cadres bancaires bénéficiant de l’excellente formation du Credit Suisse vont donc pouvoir intégrer d’autres établissements demandeurs de toutes ces compétences inestimables.

Edouard Bolleter
Rédacteur en chef
Point de mire