George Falkner, CEO, Saxo Bank

George Falkner, CEO, Saxo Bank

mai 26, 2023 Non Par Edouard Bolleter

«50% de nos revenus en Suisse viennent de la Romandie»»

George Falkner est le CEO de Saxo Bank Suisse depuis le 1er janvier 2022. Avant d’occuper ce poste, il a bénéficié d’une large expérience internationale grâce à diverses fonctions de direction dans le secteur financier et notamment auprès de Bellevue Zurich Advisory, BNP Paribas Wealth Management et UBS. «Point de mire» a décidé de dédier son grand entretien au dirigeant de Saxo Bank (quelques jours après la reprise du Credit Suisse par UBS) car l’établissement est un intéressant témoin et acteur des nouvelles et futures technologies bancaires qui dessinent l’avenir du monde bancaire suisse. Historiquement, Saxo Bank (née en 1992) est en effet l’une des toutes premières fintechs suisses ! Aujourd’hui, la banque est précurseur dans les services digitaux et son CEO nous dévoile un autre pan de la finance helvétique, plus que prometteur.

Par Edouard Bolleter

PdM: George Falkner, décrivez-nous  Saxo Bank en Suisse.

George Falkner: Le groupe Saxo Bank a été fondé en 1992. C’était une fintech avant même que le terme ne soit inventé. Contrairement aux institutions financières traditionnelles, Saxo Bank a toujours été une banque numérique et un fournisseur de plateforme, le trading et l’investissement étant dans son ADN. Par rapport aux start-up fintech, Saxo Bank a l’avantage d’avoir près de trente ans d’expérience et la sécurité d’une banque entièrement agréée et réglementée par la Finma. Saxo Bank Suisse est indépendant et appartient à 100% au groupe danois Saxo.

Le groupe est basé à Zurich mais la Suisse romande semble très importante aussi pour vous…

Oui, après quelques années d’absence, nous avons ouvert à nouveau un bureau à Genève pour servir la clientèle romande. Le potentiel est très important dans la région puisque 50% de nos revenus en Suisse viennent de la Romandie. Nous constatons notamment que les clients frontaliers sont en forte augmentation dans le domaine du change monétaire. Nos outils sont également demandés par des petits entrepreneurs ou des professions libérales romandes.

Vous êtes un ancien d’UBS, que pensez-vous de la reprise du Credit Suisse, quelles sont les conséquences pour les petits établissements ?

C’est un choc pour notre place financière mais je pense que les banques suisses, qui sont près de 200, ont une excellente réputation. Elles offrent heureusement une grande diversification pour les clients qui veulent changer d’établissement. Et Saxo Bank peut faire partie des prétendants, pour des clients souhaitant reprendre le contrôle de leur finance. à titre personnel, je pense qu’il faut un retour aux valeurs suisses, la confiance, l’accessibilité et la formation. Je pense aussi que Sergio Ermotti est l’homme de la situation à UBS. 

Pour quelles raisons un particulier ou un entrepreneur fait-il ce choix ?

Nous proposons un modèle d’entreprise simple, clairement axé sur les solutions en ligne pour investir et négocier sur les marchés de capitaux mondiaux, un investissement continu dans le leadership technologique et une tarification compétitive grâce à la numérisation. Et, ce qui est tout aussi important, Saxo n’est pas engagé dans des activités de prêt et, d’une manière générale, ne souhaite pas prendre de risque. Saxo Bank bénéficie d’un financement extrêmement solide. Nous avons des ratios de liquidité et un ratio Tier 1 très solides, qui sont bien supérieurs aux exigences de la Finma. Saxo Bank bénéficie dans son ensemble de capitaux propres d’environ 1 milliard d’euros et d’un ratio Tier 1 de 24 %.

Après analyse, votre profil semble correspondre aussi aux demandes de certaines institutions.

Saxo Bank a une longue expérience des solutions en marque blanche pour les clients B2B. En s’appuyant sur notre plateforme technologique, les clients tels que les banques, les gestionnaires d’actifs, les conseillers financiers indépendants et les family offices peuvent sécuriser et accélérer leur transformation numérique tout en réduisant le coût de leurs services.

L’achat de Strateo a aussi élargi votre portefeuille !

Le rachat de l’activité de trading en ligne de Strateo, conclu en avril 2021, a effectivement fortement contribué au vaste élargissement de la base de clientèle active, et nous avons pu continuer à renforcer nos positions sur le marché suisse. Les clients trading et investissement de Strateo ont été migrés vers la plateforme de trading bien établie et répondant aux plus hautes exigences techniques de Saxo Bank. Les clients ainsi « acquis » affichent un horizon de placement supérieur et ont besoin de services de gestion de fortune.

Les nouvelles générations sont très sophistiquées dans leurs approches digitales et bancaires aujourd’hui…

Les solutions numériques de pointe deviendront en effet encore plus importantes à l’avenir, car la prochaine génération de clients HNWI a une plus grande affinité avec le numérique. Pour assurer la transition du patrimoine des générations plus âgées vers les plus jeunes, nous devons fournir des plateformes techniques qui répondent aux attentes de la nouvelle génération. 

Comment suivre ce rythme effréné qui voit des nouveautés technologiques faire leur apparition chaque semaine ?

Oui, les changements sont très rapides et les actualisations se succèdent dans le domaine des produits digitaux bancaires. A titre personnel, je suis totalement convaincu par les besoins des formations continues et systématiquement actualisées. Suivant cette logique, il est devenu très important de proposer à nos clients de courtes formations sur nos plateformes. Le contenu doit être clair, précis et rapide par le biais de courtes vidéos explicatives de deux minutes.

Est-ce le rôle d’une banque d’informer ainsi ses clients ?

C’est avant tout un partage de connaissance sur des thèmes aussi variés que d’actualité. Nos collaborateurs profitent du savoir de nos experts, nos clients ont également la possibilité de s’enrichir de ces expertises. Les investisseurs, quelle que soit leur taille, cherchent la sécurité et le rendement mais également une éducation ciblée dans le domaine financier. Durant nos webinairs, les stratégies d’amortissement de l’inflation au sein du portefeuille sont très suivies. L’aptitude multi-actifs de nos plateformes permet à notre clientèle d’investir directement ou par l’intermédiaire d’ETF et de fonds dans des valeurs réelles, par exemple dans l’énergie, les matières premières ou les actions, et ainsi de protéger leur fortune contre la dépréciation de la monnaie.

Vous prônez le « tout digital » ?

Non pas uniquement. Nous organisons des évènements pour rencontrer nos clients. Je suis présent à ces manifestations quand elles ont lieu par exemple en Suisse romande. Les thématiques diffèrent chaque fois, des options aux domaines ESG, en passant par d’autres sujets d’actualité qui intéressent les utilisateurs de nos plateformes. Certaines réunions sont plus exclusives comme celles dédiées uniquement aux femmes.

Ces évènements et vidéos sont-ils l’avenir du marketing ?

C’est notre stratégie marketing et nous n’utilisons pas d’autres canaux. Le référencement par le biais éducatif est important, nous organisons aussi des formations dans les universités.

Vous faites état d’une nouvelle communauté d’investisseurs. Ce phénomène est-il durable ?

Pendant la pandémie de covid, avec le lock down, le home office et la forte volatilité des marchés financiers, de nouveaux segments de la population ont découvert l’investissement. La communauté des investisseurs en Suisse s’est rajeunie et s’est féminisée. Chez Saxo Bank, l’augmentation disproportionnée de la clientèle féminine est particulièrement encourageante. En raison des salaires en moyenne plus bas des femmes et du travail à temps partiel, il existe un écart de pension. De toute évidence, les femmes sont plus nombreuses à vouloir prendre en main leur avenir financier. Elles savent qu’elles ont besoin d’un meilleur rendement de leur épargne et que cela n’est possible que si elles investissent leur argent. 

Mais pourquoi et comment la clientèle féminine diffère-t-elle dans son approche de la gestion personnelle ?

Les femmes ont généralement un horizon d’investissement plus long, un profil de risque plus faible et utilisent une combinaison de services d’investissement autogérés et de gestion de portefeuille. Nous proposons à ces clients « investisseurs » une plateforme numérique à la pointe de la technologie, un accès à toutes les classes d’actifs, des partenariats avec des marques de premier plan dans le domaine de la gestion d’actifs (par exemple BlackRock, Brown Advisory, Morningstar), ainsi qu’un modèle de tarification attractif et transparent. Ce dernier point est très important car le rendement d’un portefeuille dépend fortement des frais facturés.

Votre établissement se doit de lancer des produits toujours plus novateurs. Avez-vous un exemple récent ?

Nous avons lancé, en avril dernier, un modèle innovant de taux d’intérêt permettant de rémunérer le capital non investi de nos clients. Les taux d’intérêt de Saxo Bank sont mis à jour quotidiennement en fonction des conditions de marché, ce qui signifie que les ajustements de politique des banques centrales seront reflétés immédiatement, et ce, sans limite de montant et sans blocage des fonds. Nos clients verront donc leurs intérêts augmenter si la Banque nationale suisse relève ses taux d’intérêt. Jusqu’à présent, le taux d’intérêt des dépôts pour les investisseurs privés était inférieur aux taux du marché, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

Et quid des cryptomonnaies ?

Nous avons déjà complété la gamme de produits avec des solutions de négociation et de placement pour les cryptomonnaies. En lieu et place d’un investissement direct, les principales monnaies numériques bitcoin, ethereum et litecoin peuvent être négociées contre les principales monnaies fiduciaires que sont l’USD, l’EUR ou le JPY.

L’ère des robots et de l’Intelligence artificielle est lancée, qu’en pensez-vous ?

Nous avons des partenariats déjà en place avec différents robots-conseillers (robo advisors). En tant que «home of robo advisors», Saxo Bank met à la disposition des gérants de fortune numériques sa technologie, ses plateformes ainsi que ses capacités d’exécution, leur permettant ainsi de mettre efficacement en œuvre leur modèle d’affaires.

George FALKNER en bref
Voici ses dernières missions: 2020 – 2022: Bellevue Zurich Advisory:  membre du conseil d’administration et responsable Wealth Advisory & Family Office. 2016 – 2020: BNP Paribas Wealth Management:  Market Head B2B, responsable du renouvellement de l’approche de développement des activités  de gestion de patrimoine, développement réussi  des activités de family office.

Un résultat de 22,9 millions de francs

Pour l’exercice 2022, Saxo Bank (Suisse) SA a enregistré un résultat d’exploitation de 22,9 millions de francs, soit une augmentation de 3,7% par rapport à l’exercice précédent (22,1 millions). Les recettes liées aux activités de trading sont restées la principale source de revenus de la banque avec un montant de 14,5 millions de francs pour l’exercice 2022, 90% de ces recettes étant générées par le négoce d’actions et de devises. Les produits liés aux commissions et prestations de services se sont chiffrés à 6 millions pendant la période sous revue. Le produit net des intérêts a contribué à raison de 2,4 millions de francs au résultat d’exploitation.