AVS21: Une votation et tant de questions

septembre 1, 2022 Non Par Edouard Bolleter

Le projet AVS 21 qui est soumis au peuple le 25 septembre se définit indéniablement comme un des lourds dossiers de la politique suisse de la rentrée. Mais certains craignent qu’il ne soit qu’une votation de plus, n’éludant pas vraiment les incertitudes.  

Le peuple suisse est appelé à se prononcer le 25 septembre 2022 sur la réforme Stabilisation de l’AVS (AVS 21). Cette réforme est composée de la modification de la loi sur l’assurance-vieillesse et survivants et de l’arrêté fédéral sur le financement additionnel de l’AVS par le biais de la TVA», précise le texte fédéral de la votation la plus importante de la rentrée. Mais ce projet représente également un message important à l’adresse des professionnels de la prévoyance qui ne cessent d’adapter leurs conseils et produits afin de répondre aux besoins des assurés et des futurs retraités. Certains se demandent également si les multiples votations qui se succèdent ne démontrent pas une certaine difficulté à tenir un cap clair dans la prévoyance de la part de nos autorités dans un domaine certes complexe et évolutif. 

Quelle égalité

Il n’en demeure pas moins que les incertitudes sont de mise pour un grand nombre d’observateurs, notamment en termes d’égalité. «Le projet AVS 21 septembre contient plusieurs volets, dont celui de l’harmonisation de l’âge de référence de la retraite à 65 ans pour tous. Cela implique le relèvement de l’âge ordinaire des femmes qui est aujourd’hui fixé à 64 ans, quand bien même l’espérance de vie des femmes à 65 ans est supérieure d’environ trois ans à celle des hommes», relève par exemple Brenda Duruz McEvoy, experte en la matière au Centre Patronal. Selon elle, la perte du privilège historique de la retraite à 64 ans pour les femmes est source de crispations alors même que l’AVS est une assurance sociale qui favorise les femmes. «La résorption de l’inégalité subsistante de l’âge de la retraite facilitera l’amélioration de la situation financière des femmes à la retraite», ajoute-t-elle. On découvre en effet dans les statistiques de l’AVS 2021 que les femmes ne versent que 34% des cotisations, alors qu’elles perçoivent 55% des prestations, en raison notamment de leur plus grande longévité. L’AVS est donc financée de manière prépondérante par les hommes, alors que les femmes en bénéficient davantage. Or, le projet AVS 21 ne permet pas seulement de stabiliser l’AVS, il permet aussi d’améliorer la situation financière des femmes à la retraite. Elles pourront ainsi poursuivre leur activité lucrative de manière facilitée jusqu’à 65 ans. «L’harmonisation de l’âge de la retraite des femmes n’est donc pas le renoncement à un privilège suranné, mais un pas réjouissant vers plus d’égalité», conclut Brenda Duruz McEvoy dans une prise de position détonante.

«L’harmonisation de l’âge de la retraite des femmes n’est donc pas le renoncement à un privilège suranné, mais un pas réjouissant vers plus d’égalité. »

Pour information et selon l’Office fédéral de la statistique, lors de l’introduction de l’AVS en 1948, l’âge de la retraite était de 65 ans pour les deux sexes. À l’époque, l’espérance de vie d’un homme de 65 ans était d’environ douze ans, celle d’une femme de 65 ans d’un peu plus de treize ans. Aujourd’hui, elle est déjà de près de vingt ans pour les hommes et de plus de vingt-trois ans pour les femmes. 

Quid de la démographie et de la retraite flexible ?

Autre questionnement important lié à cette votation vitale pour la prévoyance suisse, l’évolution démographique. Celle-ci pose de grands défis à notre prévoyance vieillesse. En 2015, le nombre de personnes qui ont fêté leur 65e anniversaire en Suisse a dépassé pour la première fois celui des personnes de 25 ans. Cette évolution se poursuit depuis des décennies. En 2050, les plus de 65 ans seront un million de plus qu’aujourd’hui en Suisse. L’évolution démographique ainsi que l’augmentation de l’espérance de vie aggravent donc logiquement le problème de financement de l’AVS. L’Office fédéral des assurances sociales estime le déficit cumulé entre 2020 et 2045 à environ 200 milliards de francs. Une question à quelques milliards en somme, qui va également énormément influencer l’évolution de la prévoyance personnelle. Une autre question apparaît avec ce vote, concernant le travail «post-retraite» cette fois. Car si la réforme est financée par l’égalisation de l’âge de la retraite des femmes et des hommes et par une augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée, elle concède avant tout aux assurés un départ à la retraite flexible. En outre, le Conseil fédéral crée des incitations pour les personnes souhaitant prolonger leur activité lucrative. Une nouvelle ère pourrait alors s’ouvrir; mais dans quelles conditions exactement ?

Selon l’experte Désirée von Michaelis, les cotisations versées ne suffisent plus à couvrir les rentes. À cela s’ajoute le fait que l’ensemble des tentatives de réforme des vingt dernières années ont échoué dans les urnes: autrement dit, nous n’avançons pas vraiment pour faire évoluer le système.

Quelles incidences sur le 2e pilier ?

En parallèle du vote sur l’AVS, le 2e pilier est aussi sujet à des incertitudes. Désirée von Michaelis, responsable Wealth Planning au Credit Suisse, acquiesce. «Ici, c’est la baisse du taux de conversion qui est un thème central. Cela signifie, en fin de compte, pour un bénéficiaire de rente qu’il percevra à l’avenir moins d’argent à partir du capital épargné. Par ailleurs, la diminution de la déduction de coordination et une adaptation de l’ajustement des bonifications de vieillesse font également l’objet de discussions.» Les personnes en activité doivent donc s’attendre à une réduction des prestations dans la prévoyance vieillesse, sans en connaître les proportions. «Oui, surtout au niveau de la caisse de pension. Même en l’absence de réformes, les personnes qui partiront à la retraite dans les prochaines décennies devront s’attendre à des pensions 25 à 30% inférieures à celles de 2010. La prévoyance individuelle est donc d’autant plus importante», prévient l’experte. Le mot de la fin lui revient, résumant parfaitement l’ambiance liée aux votations de la rentrée. «Des votations sont urgentes et auraient dû être mises en place depuis longtemps. Dans le 2e pilier également, le besoin de réforme se fait sentir, étant donné que les gens vivent et perçoivent leur rente de plus en plus longtemps. Avec les taux de conversion actuels, les cotisations versées ne suffisent plus à couvrir les rentes. 
À cela s’ajoute le fait que l’ensemble des tentatives de réforme des vingt dernières années ont échoué dans les urnes: autrement dit, nous n’avançons pas vraiment pour faire évoluer le système.»

Les Suisses et les Suissesses craignent pour leur prévoyance

Dans le cadre d’une enquête représentative mandatée par Swiss Life, une nette majorité des personnes interrogées en Suisse indique trouver de plus en plus difficile de prendre les bonnes décisions en matière de prévoyance et de finances. Seules 38% des personnes sondées estiment être vraiment bien informées sur les questions financières. Et plus de la moitié d’entre elles estiment ne pas être financièrement préparées à des changements imprévus qui pourraient survenir dans leur vie. En Suisse, 60% des personnes trouvent ainsi de plus en plus difficile de prendre les bonnes décisions en matière de prévoyance et de finances et 53% ne se sentent pas financièrement préparées à des changements imprévus dans leur vie; 47% ont l’impression de devoir prendre de plus en plus de décisions en matière de finances et de prévoyance; enfin, 72% considèrent les conseils sur la prévoyance et les finances comme importants.