Jean-François Beausoleil, UBS

Jean-François Beausoleil, UBS

mai 16, 2022 Non Par Edouard Bolleter

«Nous avons développé à Genève un cluster exceptionnel»

Jean−François Beausoleil est directeur régional et responsable du Wealth Management d’UBS Genève. Il a exceptionnellement accepté de nous donner une grande interview afin d’exprimer son avis sur les défis de la place financière romande en 2022 et ceux de la banque UBS, forcément omniprésente. En toile de fond, les bonnes relations entre les établissements romands semblent notamment prometteuses. 

PdM: Jean-François Beausoleil, quelles ont été, pour UBS Genève, les grandes tendances des résultats en 2021, par rapport à 2020 ?

Jean-François Beausoleil: Je dois dire que, comme pour tout le secteur bancaire, les résultats d’UBS ont été excellents à Genève et se sont inscrits largement en ligne avec le Groupe. à Genève, nous avons en outre la chance de gérer l’unité de Commodity Trade Finance (CTF) qui travaille avec les acteurs du négoce international des matières premières et qui a extrêmement bien performé.

Quelle a été l’influence de la pandémie ? Et quels enseignements en tirez-vous? Parmi les changements enregistrés, quels sont ceux qui ne sont que temporaires et ceux qui perdureront ?

Je crois que l’une des très grandes satisfactions aura été de constater que la banque avait une énorme faculté d’adaptation. En effet, nous avons été capables de changer notre modèle de travail en extrêmement peu de temps. Nous avons pu ainsi tester la force de notre IT en situation réelle, ce qui a émontré la pertinence de nos gros investissements dans ce domaine ces dernières années.

Nous avons ainsi eu la confirmation que nous étions capables de faire travailler notre personnel à domicile en Suisse en toute sécurité. Et nous allons continuer à le faire: comme l’a rappelé notre CEO, Ralph Hamers, nous entendons maintenir nos dépenses technologiques aux alentours de 10% des revenus, tout en augmentant les investissements stratégiques dans l’informatique. Cette démonstration de la fiabilité de nos systèmes a une conséquence immédiate et durable: UBS a désormais adopté un modèle de travail hybride qui permet aux collaboratrices et collaborateurs, si leur fonction le permet, de répartir leur activité entre leur domicile et le bureau.

Comment jugez-vous le comportement des collaborateurs durant la pandémie, avec le télétravail ?

Je suis vraiment impressionné. C’était une première pour UBS et ça a été absolument remarquable. Plus important encore: nous avons pu et su le faire avec un système basé sur la confiance. Au final, le constat est positif: nos collaborateurs s’engagent autant en étant sur leur place de travail qu’à domicile. Et les résultats de 2021 en attestent.

Quels sont vos projets pour les bureaux d’UBS? Envisagez-vous de futurs locaux ou de pratiquer un sell and lease back ?

Le développement du quartier de La Praille confirme que notre choix de venir ici, en 2008 déjà, s’est avéré très pertinent. Je souligne au passage qu’il règne une excellente collaboration avec nos voisins. Le secteur du PAV (Praille-Acacias-Vernets) est le site de croissance de Genève pour les vingt prochaines années !

Etre leader représente-t-il pour UBS une grosse responsabilité envers l’industrie bancaire romande? Quelles sont vos influences sur le marché ?

Cette responsabilité est la même sur le plan local que pour le Groupe aux niveaux national et international. Nous devons être un modèle et un moteur! Il y a quelques années maintenant, nous avons mis en place un écosystème global qui offre une formidable puissance d’investissement à nos clients. Le rôle d’UBS consiste à orchestrer les flux de valeur entre nos clients et les partenaires d’affaires. Nous avons accompagné nos clients et généré un levier opérationnel positif. Et cela fonctionne par toutes les conditions de marché. En 2021, cela s’est traduit par de solides performances et notre écosystème a atteint le montant record de 4600 milliards de dollars d’actifs investis dans le Groupe UBS.

Les besoins de nos clients sont au centre de notre stratégie et nous nous efforçons d’y répondre de manière plus efficace, en nous appuyant sur la technologie. Nous entendons aussi développer de nouveaux segments de clientèle et déployons des solutions technologiques pour ouvrir de nouvelles perspectives de croissance. On l’a vu tout récemment avec l’acquisition annoncée de Wealthfront aux Etats-Unis pour proposer une offre digitale de gestion d’actifs aux investisseurs des générations Y et Z. Comme l’a dit Ralph Hamers, nous envisageons à terme des modèles similaires dans le reste du monde, y compris en Suisse. Tout en restant convaincus que, dans de nombreux cas, la relation personnelle avec le client demeurera essentielle.

Et au plan purement local ?

Au plan local, nous voulons aussi être un acteur qui prête. Car c’est essentiel pour le développement économique de la région et pour les entreprises qui s’installent. Nous avons d’ailleurs mis en place une offre qui favorise le crédit direct et simple pour les PME: elles peuvent obtenir des crédits jusqu’à 500 000 francs de façon non bureaucratique, rapide et efficace.

Dans le secteur de l’immobilier, outre les hypothèques, nous nous engageons afin de bien conseiller nos clients, en les rendant attentifs aux avantages, mais aussi aux risques des investissements immobiliers. Par exemple dans un secteur plus volatil comme l’immobilier touristique. Je rappelle qu’UBS joue un rôle majeur dans l’immobilier à Genève puisqu’elle détient près de 30% du marché hypothécaire cantonal et s’engage fortement pour favoriser l’accession à la propriété.

Quelles sont vos relations avec les concurrents, dans toutes les activités ?

Elles sont bonnes, voire très bonnes, même s’ils restent des concurrents. Il faut toutefois savoir que certains sont aussi nos clients. Nous les servons dans le segment Bank for Bank pour des prestations qu’ils ont choisi d’externaliser. Par exemple, pour les devises. Je crois d’ailleurs qu’une telle collaboration est bénéfique à tout le monde. Car il est essentiel d’avoir et de conserver en Suisse des acteurs capables d’assurer ce genre de prestations. J’aime bien illustrer la situation par cette chaîne rimée: la compétition, c’est une motivation, une remise en question et, au final, une meilleure prestation !

Existe-t-il une défense commune des intérêts des banques à Genève et par quel biais est-elle le plus efficace ?

Oui, absolument. Avec la Fondation Genève Place Financière, nous démontrons que la branche, au-delà de ses différences, est capable de faire front commun et de s’unir pour mettre en avant Genève. Car c’est une chance incroyable d’avoir, en Suisse, deux places financières d’importance mondiale. C’est un atout formidable pour les organisations internationales qui sont actives, ici, au bout du lac, pour nos multinationales, pour le négoce de matières premières avec le CTF et pour toutes les activités liées à la finance (tiers gérants, banques internationales, avocats d’affaires, etc.). De la sorte, nous avons développé ici un cluster exceptionnel qui jouit non seulement des compétences de tous, mais aussi d’une proximité qu’on ne trouve guère ailleurs. Et notre place financière sait aussi anticiper les grandes tendances. On le constate avec l’initiative Building Bridges qui place Genève en pole position pour le développement et la finance durable. Cette volonté genevoise colle parfaitement aux ambitions du Groupe qui s’est donné pour objectif de créer de la valeur durable tout au long du cycle.

Par ailleurs, UBS est partenaire de l’Institut supérieur de formation bancaire et du Swiss Finance Institute. Nous apportons aussi notre soutien à des chaires dédiées à l’immobilier et au CTF au sein de l’Université de Genève. En outre, en termes d’apprentissage, UBS est le leader genevois dans le monde bancaire. Car nous croyons très fort à la pertinence de la formation duale telle que nous la connaissons en Suisse.

Quelle est votre analyse de la place financière genevoise et de sa réputation mondiale depuis
cinq ans et pour les cinq prochaines années: résilience ? Reprise ? Ralentissement
?

Si l’on regarde le passé, les places suisse et genevoise ont fait preuve d’une extraordinaire résilience suite à la fin du secret bancaire. Les banques ont prouvé que, même dans la nouvelle constellation, le génie bancaire et l’expertise disponibles à Genève étaient hors norme, avec en plus une longue tradition historique. Pour l’avenir, je crois très fortement à l’ambition de la Suisse d’être LA plateforme de la finance durable. Genève doit aussi se positionner clairement là-dessus, avec Sustainable Finance Geneva et Swiss Sustainable Finance, en collaboration avec les nombreuses organisations internationales et ONG qui sont seulement présentes ici en Suisse et veulent être servies sur place.

Quelles sont les nouveautés sur la place financière romande et ses atouts? On voit toujours plus d’avoirs sous gestion en Suisse romande, pourquoi cet afflux ?

Ces dernières années, l’économie romande a crû plus vite que le reste de la Suisse. Et Genève reste attrayante pour la clientèle individuelle: stabilité du franc, cadre légal, facilités administratives, éducation, qualité de vie, écosystème formidable au cœur de l’Europe. Nos avantages sont nombreux !

Les années qui viennent semblent promettre de beaux défis pour les instituts financiers romands, en avance technologiquement dans le monde. Votre avis à ce sujet ?

Nous devons nous intéresser à ce qui se fait de plus dynamique partout dans le monde. à défaut, nous prendrons du retard. Mais je suis très heureux de la récente acquisition de Wealthfront aux états-Unis et de notre développement technologique en Suisse. Demain, la consolidation ne se fera plus seulement en termes de taille, mais aussi de digitalisation.

Les prix de l’immobilier montent sans cesse, quelle est la limite? Quelle est la politique hypothécaire d’UBS ?

Notre Recherche estime que nous sommes dans une situation proche d’une bulle, mais – pour l’heure – ne craint pas une explosion. Dans ce contexte, notre but, c’est d’assurer que le futur propriétaire pourra assumer ses charges, par rapport à son financement et à son revenu, quel que soit l’état du marché.

UBS publie un Indicateur de compétitivité des cantons. Où se situe Genève ?

En comparaison intercantonale, Genève se défend très bien puisqu’il figure dans le premier tiers du classement. Mais le Canton a deux soucis principaux: l’impôt sur la fortune et le volume de sa dette. Il affiche aussi un taux de chômage tout de même élevé! Il y a là matière à réflexion et à amélioration !

Comment pensez-vous financer les retraites ? Offrez-vous de nouveaux produits pour vos clients ?

Le système de prévoyance est au cœur des préoccupations d’UBS et de sa Recherche. Nous en avons fait un axe majeur car le risque est grand que les nouvelles générations arrivant à la retraite souffrent de moyens insuffisants pour assurer leur niveau de vie. C’est pourquoi nous développons massivement le conseil en prévoyance et encourageons très vivement nos clients à prévoir au plus tôt de renforcer leur prévoyance privée au travers du 3e pilier, mais aussi avec les opportunités offertes d’améliorer sa situation dans la caisse de pension.

Concernant la formation des jeunes, que leur proposer en 2022 ?

Nous croyons fortement à la formation duale. C’est pourquoi à Genève, nous formons chaque année  entre 15 et 20 apprentis ainsi qu’un nombre encore plus important de jeunes qui entament une carrière bancaire après une maturité. C’est pour nous très important car cette trentaine de jeunes constitue la future relève de notre profession !

Réussir la révolution digitale

Quels sont les grands et petits défis en 2022, pour vous et… pour la banque ?
Il y a bien évidemment identité entre mes défis et ceux de la banque: nous nous engageons avec force et conviction pour mettre en œuvre et concrétiser la révolution digitale. Cette mutation est essentielle et notre stratégie d’action est complètement axée sur les besoins des clients. Tout doit être conçu pour lui offrir le meilleur service. Où il veut, comme il veut, quand il veut.
Un autre défi à relever est connexe: comment créer de la croissance pour la génération suivante? Nous sommes d’avis que nous devons offrir aux futures générations des solutions plus digitales. Cela passe bien sûr par une offre d’e-banking et de mobile banking à la pointe, mais aussi qui se décline sur différents canaux (agence, téléconseil, en ligne, etc.) selon le désir du client
Jean-François BEAUSOLEIL en bref
Agé de 58 ans, Jean-François Beausoleil est un pur produit d’UBS où il a fait toute sa carrière.
Après une maturité commerciale et un master en sciences industrielles et commerciales, Jean-François Beausoleil a rejoint l’Union de banques suisses de l’époque comme stagiaire avant d’y gravir tous les échelons, toujours dans la gestion de fortune: conseiller à la clientèle, chef de team, desk head, etc. Depuis 2009, il est directeur régional et responsable du Wealth Management d’UBS Genève.

S’engager vers la neutralité carbone

Que fait UBS en matière de finance durable?
Comme je l’ai déjà dit, l’initiative genevoise Building Bridges s’inscrit exactement dans les ambitions que le Groupe UBS s’est données en matière ESG (environnement, social et gouvernance).
Quelques exemples concrets: dans le cadre de ses activités propres, UBS veut atteindre la neutralité carbone d’ici trois ans. Dans le même laps de temps, nous voulons lever un milliard de dollars de dons philanthropiques afin de financer des investissements qui profiteront à 25 millions de personnes. Toujours d’ici à 2025, nous voulons atteindre 400 milliards de dollars pour des actifs investis dans ce que l’on appelle des placements à impact qui sont axés sur le développement durable.
Enfin, à l’horizon 2030, nous entendons avoir réuni 235 milliards de dollars à investir dans une optique
de neutralité carbone