L’échange automatique de renseignements relatifs aux crypto-actif
décembre 18, 2025Dr Vaïk Müller
Avocat, Associé, Responsable Banque & Finance
CMS Genève
Le 19 février 2025, le Conseil fédéral a adopté le message concernant l’extension de l’échange international automatique de renseignements en matière fiscale portant sur la mise en œuvre du nouveau Cadre de Déclaration des Crypto-actifs (CDC). Si le CDC s’inspire directement de la Norme Commune de Déclaration (NCD) appliquée aux comptes financiers, il n’en constitue pas moins un cadre à la fois autonome et complémentaire.
Dans ce contexte, le 6 juin 2025, le Conseil fédéral a proposé une liste de 74 États avec lesquels la Suisse devra échanger automatiquement des informations sur les crypto-actifs. Parmi ces États figurent les pays membres de l’Union européenne (UE), le Royaume-Uni et la plupart des États du G20, à l’exception des États-Unis, de la Chine et de l’Arabie saoudite. Enfin, le 8 septembre 2025, le Conseil national a adopté le projet de loi du Conseil fédéral suivant le Conseil des États qui avait aussi largement accepté ce projet lors de la session du mois de juin 2025. Les nouvelles dispositions du CDC devaient entrer en vigueur le 1 er janvier 2026 et le premier échange de données intervenir en 2027. Cependant, plusieurs marchés clés ont pris du retard dans la mise en œuvre et l’OCDE n’a pas encore tranché sur tous les aspects techniques. La Commission de l’économie et des redevances a décidé le 4 novembre 2025 de suspendre ses travaux et de réexaminer le dossier en 2026. En conséquence, les données 2026 ne seront pas échangées en 2027.
Définition des crypto-actifs
Le CDC définit un crypto-actif comme une représentation numérique d’une valeur qui s’appuie sur un registre distribué sécurisé par des moyens cryptographiques ou une technologie similaire employée pour valider et sécuriser des transactions. Cette définition ne comprend cependant pas les monnaies numériques de la Banque centrale, les produits de monnaies électroniques spécifiques ou les crypto-actifs pour lesquels le prestataire de services estime, à juste titre, qu’ils ne peuvent pas être utilisés à des fins de paiement ou d’investissement.
Cette définition ne correspond pas à celle figurant dans le Règlement européen sur les marchés de crypto-actifs (MiCA). Elle se veut plus large et inclut également les instruments financiers enregistrés et transférables sur une blockchain, en sus d’autres types d’actifs numériques, tels que les stablecoins ou les cryptomonnaies. Un jeton non fongible (NFT) peut également relever de cette définition. Cette différence entre le CDC et MiCA est somme toute logique, les deux textes ne poursuivant pas les mêmes objectifs. MiCA vise à encadrer au niveau réglementaire des crypto-actifs qui ne sont pas des instruments financiers, alors que le CDC entend lutter contre l’évasion fiscale.
Prestataires concernés
Les prestataires de services sur crypto-actifs couvrent en particulier les intermédiaires suivants:
- les intermédiaires financiers au sens de l’article 2 alinéa 2 de la Loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBA), tels que les banques, les fintechs autorisées en vertu de l’article 1b de la Loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne, ou encore les gestionnaires de fortune, s’ils fournissent un service pour des transactions concernées (voir ci-dessous);
- les prestataires de services sur crypto-actifs qui exercent leurs activités à titre professionnel au sens de l’ordonnance sur le blanchiment d’argent. Cette notion inclut les intermédiaires financiers qui fournissent, à titre professionnel, un service sur des transactions concernées (voir ci-dessous), en agissant notamment en qualité de contrepartie ou d’intermédiaire, ou encore en exploitant une plateforme d’échange de crypto-actifs. Cette catégorie de prestataires est généralement couverte par l’article 2 al. 3 LBA.
Les obligations énoncées dans le CDC suisse ne s’appliqueront que s’il existe un lien (nexus) suffisant avec la Suisse. Les différents types de rattachement comprennent, entre autres, la résidence fiscale, le domicile, mais aussi l’exploitation d’un établissement stable en Suisse, même en l’absence de domicile officiel en Suisse. Ces rattachements sont conformes au modèle de CDC de l’OCDE et à la pratique fiscale. Les prestataires concernés devront s’enregistrer auprès de l’Administration fédérale des contributions au plus tard à la fin de l’année civile. Les prestataires déclarants suisses devront également informer conformément à la loi les personnes visées au plus tard le 31 janvier de l’année de la première transmission de renseignements de l’existence de cet échange automatique.
Transactions concernées
Les transactions suivantes seront concernées par l’obligation de déclaration prévue par le CDC:
- les échanges entre crypto-actifs et monnaies fiduciaires (fiat);
- les échanges entre une ou plusieurs formes de crypto-actifs;
- les transferts de crypto-actifs, y compris les opérations de paiement de détail soumises à déclaration lorsqu’un intermédiaire traite le paiement pour le compte d’un commerçant acceptant des crypto-actifs en paiement de biens ou de services d’une valeur supérieure à 50 000 dollars.
Les transactions seront déclarées de manière agrégée par type de crypto-actif. Afin d’améliorer la qualité des données pour l’administration fiscale, la déclaration des transactions d’échange distinguera les transactions crypto-actif à crypto-actif et les transactions crypto-actif à monnaie fiduciaire (fiat).
Déclaration annuelle et autocertification
Toutes les transactions impliquant des crypto-actifs effectuées au cours d’une année civile et l’identité des bénéficiaires effectifs de ces crypto-actifs devront être déclarées aux autorités fiscales suisses. Pour déterminer la valeur d’une transaction de paiement de détail, le prestataire de services sur crypto-actifs suisse sera tenu de convertir le montant en dollars en utilisant le taux au comptant. En outre, le prestataire de services devra obtenir de l’utilisateur de ses services une autocertification permettant de déterminer le ou les domiciles fiscaux, dont la plausibilité devra être vérifiée par le prestataire.
Perspectives
Le report de l’entrée en vigueur du CDC représente une opportunité pour les prestataires suisses de services sur crypto-actifs. Ceux-ci auront plus de temps pour se préparer à ce changement de paradigme. Dans ce contexte, ils devront adapter leurs processus et leurs outils à ces nouvelles exigences. Il s’agira également de voir quels aspects techniques seront ou non finalement adoptés par l’OCDE. Il convient de rappeler à cet égard que, même si ces prestataires décident de faire appel à des tiers qualifiés pour remplir leurs obligations, ils resteront responsables de la bonne exécution de ces obligations vis-à-vis de l’administration fiscale.

