Marché Global

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novembre 14, 2021 Non Par Invité(e)s

Vincent Manuel, Global Chief Investment Officer (CIO)

Adrien Roure, Investment Strategy Analyst

Indosuez Wealth Management en Suisse

Les goulets d’étranglement freinent le rythme de la reprise

Si les plans de relance et la levée des restrictions sanitaires permise par les campagnes de vaccination dans les pays développés ont rendu possible un rebond sans précédent de l’activité économique, la fin de l’année s’annonce plus compliquée. En effet, cette accélération – peut-être trop rapide – a perturbé les chaînes d’approvisionnement dans un contexte où les pays asiatiques se remettent à peine d’une nouvelle vague de Covid-19 et qui pose la question du niveau de l’inflation, notamment outre-Atlantique.

Etats-Unis : quelle trajectoire de l’inflation pour les mois à venir ?

L’inflation des prix à la consommation a sensiblement augmenté ces derniers mois, la réouverture des économies poussant à la hausse les prix des compo- sants les plus cycliques. Cependant, les dernières lectures du rapport de l’inflation américaine ne montrent plus d’accéléra- tion : le chiffre du mois d’août (5,3 %) signale même une légère accalmie, tandis que la hausse des prix devrait se stabili- ser à ce niveau en septembre. En rythme mensuel, l’inflation a ainsi reculé à +0,3 %, dans un contexte de baisse, sans doute temporaire, des prix des transports et de l’hôtellerie, et d’inflation constante dans le secteur des services.

Pour autant, l’inflation pourrait demeurer à un niveau élevé dans les prochains mois (probablement autour de 5 % en rythme annuel, voire au-delà) : effets d’un pétrole et d’une énergie à des prix plus élevés et d’une diffusion au reste de l’économie, d’une hausse des prix de l’immobilier d’une augmentation des salaires qui devraient se retrouver dans l’inflation des services. à moyen terme et à mesure que les effets de base deviennent négatifs, l’inflation devrait diminuer à partir du printemps 2022, mais seulement à condition que les pressions sur les prix du logement ou sur les salaires ne perdurent pas. Elle pourrait ainsi se stabiliser à un niveau supérieur à l’objectif de la Réserve fédérale (FED) en 2022/2023, même hors effet énergie, justifiant un ajustement progressif de la politique monétaire.
C’est la situation de l’emploi américain qui a pour le moment incité Jerome Powell à temporiser, conscient que les dégâts causés par la pandémie en matière d’emploi n’ont pas encore été réparés.Le dernier rapport mensuel de l’emploi américain présente une situation paradoxale.

D’un côté, la création d’emplois s’est révélée en deçà des attentes (moins de 200’000 emplois créés sur le mois contre 500’000 attendus), ce qui s’explique à la fois par les conséquences des obligations vaccinales dans la santé et l’éducation, les contraintes d’offres et les difficultés à recruter. Une création d’emplois décevante peut justifier a posteriori que la FED cherche à temporiser sauf si cela s’ex- plique par des contraintes d’offres et non par une insuffisance de demandes.

De l’autre côté, le taux de chômage est sorti à 4,8 %, une baisse plus rapide que prévu (en raison de différences méthodo- logiques avec les créations d’emplois mensuelles) tandis que les salaires continuent de progresser fortement, ce qui incite à ajuster dès la fin de l’année le rythme des achats d’actifs, et ce, même si la croissance américaine est révisée à la baisse pour la deuxième partie de l’année.

La croissance mondiale et notamment la croissance américaine semblent en effet ralentir pour des raisons différentes de celles constatées fin 2020 et début 2021. Si les mesures de restrictions sanitaires ont pu peser sur l’activité cet été, il semble que ce soient désormais majori- tairement les contraintes pesant sur l’offre qui expliquent le tassement de la reprise. Ces contraintes sont multiples : des prix des matières premières en hausse, des pénuries de semi-conducteurs bloquant plusieurs secteurs, des ruptures de chaînes d’approvisionnement et l’envolée des prix du fret (multipliés par quatre en 2021).

Les prix à la production ont ainsi continué de progresser (+8,3 % en août aux états-Unis sur un an ; +13,4 % en Europe) et cette tendance pourrait se poursuivre prochainement, mais peut-être à un rythme plus modéré.

Dans ce contexte, certaines usines ont dès lors choisi de limiter leur activité, malgré une demande robuste. En effet, si les enquêtes montrent une production en forte croissance – l’indice Empire State Manufacturing de New York a bondi à 34,3 en septembre – les sous-indices témoignent d’une nette augmentation des commandes non exécutées, entraînant des délais de livraison records.

Europe: automne radieux, hiver nuageux ?

En Europe, l’activité économique poursuit son redressement après la crise causée par la pandémie malgré un affaiblissement de la dynamique.
Les indices d’activité ont cédé du terrain depuis le pic de juillet mais demeurent à des niveaux élevés, tandis que le marché du travail continue de s’améliorer. Un contexte qui a amené la Banque centrale européenne (BCE) à recalibrer à la marge sa politique monétaire, en annonçant mi-septembre une réduction modérée du rythme de son Programme d’achats d’urgence face à la pandémie (PEPP).

Mais si cette dernière a aussi relevé ses prévisions de croissance à 5 % pour 2021 (contre 4,6 % auparavant), il convient de rester attentif aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement qui pourraient affecter certains pays en particulier – notamment l’Allemagne, où la pénurie de semi-conducteurs risque de freiner l’activité du secteur automobile. Au sein de l’Union européenne (UE), le nombre de fabricants signalant la pénurie de matériaux et d’équipements comme un facteur freinant la production atteint 40 %, bien au-dessus de la moyenne historique de 10%.

Enfin, la situation actuelle des prix de l’énergie est également à surveiller, d’autant plus que l’hiver approche. En effet, c’est clairement l’envolée des prix de l’électricité – liée notamment à la flambée des prix du gaz naturel et des crédits carbone – qui est au cœur des préoccupations en zone euro, celle-ci affectant plusieurs secteurs d’activité, du transport à l’industrie, et forçant certaines entreprises à fermer leurs usines. Si ce contexte reflète des tensions liées à des facteurs temporaires (déficit de production des énergies renouvelables cet été, faible niveau des stocks d’énergie et livraisons modérées de gaz), il laisse aussi présager un coût de l’électricité structurellement plus élevé en raison du changement du mélange énergétique et d’une demande d’électricité en hausse.

Chine : des indicateurs macroéconomiques décevants nécessitent le soutien de la politique économique

En Asie, le mauvais temps et la stratégie agressive « zéro cas de Covid-19 » poursuivie par les autorités ont sévèrement pénalisé l’économie au cours de l’été. Si les marchés prévoyaient un rebond de la consommation chinoise en août, il n’en fut rien : les ventes de détail ont à nouveau déçu, s’affichant à +2,5 % en glissement annuel (contre +7 % attendus), tandis que la production industrielle a ralenti de 6,4 % à 5,3 %.

En outre, les pays occidentaux ne sont pas les seuls touchés par la flambée des cours des matières premières. En Chine, l’indice des prix à la production a bondi à 9,5 %, touchant de nombreuses usines de taille moyenne placées en aval de la chaîne d’approvisionnement et contraignant les autorités à amortir la pression des produits de base. La crise énergétique fait, ici aussi, planer le doute sur le rythme de croissance : les baisses de production liées aux coûts de l’énergie pourraient impacter la croissance du PIB chinois jusqu’à 1 % au quatrième trimestre. Dans ce contexte, de nombreux analystes anticipent désormais un soutien supplémentaire de la Banque Populaire de Chine, afin d’éviter un ralentissement économique brutal.

Enfin, plus largement, il conviendra également de surveiller les difficultés rencontrées par les pays voisins comme le Vietnam, où la situation sanitaire difficile (bien qu’en amélioration depuis septembre) et les coûts logistiques élevés ont exacerbé les problèmes sur les chaînes d’approvisionnement régionales mais aussi mondiales : certaines entreprises américaines, notamment dans le secteur du textile, ayant déjà alerté sur leurs difficultés à s’approvisionner pour la fin de l’année.

Juli Vincent Manuel, Global Chief Investment Officer (CIO)

Indosuez Wealth Management en Suisse

Adrien Roure, Investment Strategy Analyst

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