Compter les années de cotisation plutôt que fixer un âge légal de retraite

Compter les années de cotisation plutôt que fixer un âge légal de retraite

septembre 4, 2024 Non Par Invité(e)s

Abandonner la référence à un âge fixe de retraite et la remplacer par la prise en compte des années de cotisation: l’idée fait son chemin au Parlement. Ce changement de paradigme permettrait de faire « bouger les lignes » en vue d’une réforme structurelle de la prévoyance professionnelle, en offrant une contrepartie substantielle aux travailleurs entrés tôt dans la vie active.

L’idée a germé après l’échec de Prévoyance 2020…

En mars de cette année, la conseillère nationale Céline Amaudruz a déposé une initiative parlementaire (n° 24.408) intitulée « Remplacer la notion d’âge de la retraite par celle d’années de cotisation. Un pas adapté vers une retraite socialement plus juste ». Le texte de son intervention se réfère explicitement au modèle élaboré et proposé par le Centre Patronal. Le dossier est maintenant entre les mains de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N), qui prévoit d’en discuter à la fin de la semaine prochaine.
On saura gré à Madame Amaudruz de thématiser ainsi au Parlement une proposition émanant de l’économie privée, et dont il faut rappeler ici l’origine. En 2017, le Centre Patronal, avec les autres organisations patronales en Suisse romande, avait soutenu la réforme «Prévoyance 2020»; celle-ci n’était certes pas exempte de défauts, mais elle avait le mérite de constituer un premier pas dans la bonne direction après une vingtaine d’années de blocages et d’immobilisme, et alors que les dépenses de l’AVS commençaient déjà à dépasser ses ressources. Elle avait en outre l’avantage de coordonner la réflexion sur les 1er et 2e piliers. Mais cette réforme porteuse d’espoir a échoué en votation populaire. Il est alors devenu évident, premièrement, qu’une réforme importante des assurances sociales et en particulier de l’AVS restait nécessaire et urgente pour garantir un financement durable; deuxièmement, qu’une telle réforme ne serait politiquement réaliste que si elle réussissait à surmonter le clivage entre la gauche et la droite; troisièmement, que la perspective d’élever l’âge légal de retraite, principale piste pour stabiliser le ratio entre actifs et retraités, constituait aussi le principal motif de confrontation politique. A partir de ces constats, l’idée de rompre avec la notion d’âge légal de retraite s’imposait.

… et elle s’impose aujourd’hui pour repartir sur de nouvelles bases

Depuis ces premières réflexions d’il y a sept ans, les finances de l’AVS ont pu être temporairement rééquilibrées grâce à des prélèvements supplémentaires (cotisations salariales et TVA) et à un ralentissement des dépenses (relèvement progressif de l’âge de retraite des femmes). Mais face à l’évolution démographique, ces réformes cosmétiques n’offrent qu’un bref répit – encore plus bref depuis le vote en faveur d’une 13e rente. Une réforme en profondeur reste plus que jamais nécessaire à l’horizon de la prochaine décennie; c’est ce que demande la motion 21.3462, acceptée en 2021 par les deux Chambres et qui charge le Conseil fédéral « de soumettre au Parlement, d’ici au 31 décembre 2026, un projet de stabilisation de l’AVS pour la période 2030 à 2040 ».Une telle réforme devra combiner une augmentation inévitable des prélèvements, d’une part, et une maîtrise désormais sérieuse de l’évolution des coûts, d’autre part; le tout en évitant un blocage partisan ou populaire. C’est dans ce contexte que devrait s’imposer un changement de paradigme où la notion d’âge légal de retraite serait remplacée par celle d’années de cotisation. Une telle approche permettrait en effet d’ouvrir un véritable débat sur des mesures structurelles d’assainissement sans péjorer la situation actuelle des personnes ayant commencé à travailler avant 21 ans.

Une contrepartie importante à intégrer dans une réforme structurelle

Concrètement, la législation actuelle fixe l’âge légal de retraite à 65 ans, soit 44 années après le début l’obligation de cotiser (qui commence le 1er janvier suivant l’âge de 20 ans révolus). Il s’agirait dès lors de compter aussi les années de cotisation antérieures (dès le 1er janvier suivant l’âge de 17 ans révolus) pour autant qu’elles correspondent à un véritable emploi. Avec un minimum requis de 44 années de cotisation, ou même de 45, les personnes concernées – qui exercent souvent des métiers difficiles – pourraient prétendre à une retraite plus précoce qu’aujourd’hui. Le mérite d’un changement de paradigme est de faire bouger les positions figées des uns et des autres, afin de rendre possibles des compromis. L’objectif est d’aboutir à une réforme structurelle de la prévoyance-vieillesse, qui coordonne intelligemment ses deux piliers principaux que sont l’AVS et la prévoyance professionnelle et qui garantisse à long terme le financement des retraites.

Pierre-Gabriel Bieri
Responsable politique
Centre patronal