Innovation en matière de placements collectifs de capitaux

Innovation en matière de placements collectifs de capitaux

juin 27, 2023 Non Par Invité(e)s

Me Alexandre de Boccard

Cofondateur

OA Legal SA (www.oalegal.ch)

L’objectif de cet article est de résumer les principales caractéristiques du «limited qualified investor fund (L-QiF)». En matière de placements collectifs de capitaux (fonds), le marché suisse se distingue principalement dans la gestion d’actifs et la «distribution» (selon l’ancienne terminologie)(1) , plutôt que comme juridiction de domiciliation (desdits fonds). Selon les propres termes du Conseil fédéral, «la législation qui réglemente les produits de placement alternatifs et innovants est souvent plus attrayante à l’étranger qu’en Suisse»(2) .

En effet, de nombreux promoteurs (parfois appelés «sponsors») de placements collectifs – tant en Suisse qu’à l’étranger utilisent des placements collectifs de droit étranger; cela, pour diverses raisons qui ont notamment trait aux coûts de structuration, aux délais de mise en place, au passporting (manque d’accès au marché de l’Union européenne) et également car certaines formes de placements collectifs de droit étranger permettent plus de souplesse au niveau des sous-jacents et au niveau des exigences de diversification.

En Suisse, il existe un cadre réglementaire en cas de publicité, d’offre au public et/ou de promotion de placements collectifs de droit étranger, y compris lorsque ces derniers sont destinés exclusivement à des investisseurs qualifiés (notion qui intègre désormais la notion de clients professionnels). La loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux du 23 juin 2006 (LPCC) prévoit plusieurs formes de placements collectifs, notamment les fonds contractuels, les Sicav et SCmPC, lesquels sont soumis à autorisation de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma).

Or, il est désormais prévu d’introduire le L-QiF, qui «vise à renforcer la compétitivité de la place suisse des fonds et de l’asset management en renforçant de nouveau l’offre de placements collectifs en Suisse. C’est une opportunité à saisir pour la place financière suisse. Le L-QiF crée les conditions pour ne plus obliger les investisseurs qualifiés ayant un lien étroit avec la Suisse à recourir à des produits étrangers(3) .»

Principales caractéristiques

Les L-QiF seront des placements collectifs de droit suisse réservés exclusivement aux investisseurs qualifiés. La principale particularité est que cet outil ne requiert pas d’autorisation ni d’approbation de la Finma, ni ne sera en tant que tel soumis à sa surveillance. Cela étant, les dispositions de la LPCC s’appliquent (sauf disposition contraire de la LPCC ou de son ordonnance d’application).

Le L-QiF ne sera pas une nouvelle forme de placement collectif à part entière, mais pourra revêtir la forme d’un fonds de placement (i. e. d’un fonds contractuel, à savoir un contrat tripartite entre la direction de fonds, la banque dépositaire et les investisseurs), d’une Sicav ou d’une SCmPC (ces deux dernières structures étant des personnes morales).

L’une des particularités du L-QiF est la flexibilité au niveau des sous-jacents. Il n’est pas soumis aux mêmes exigences que les autres fonds au niveau des possibilités de placement ou de diversification des risques. A ce titre, le L-QiF pourra investir par exemple dans des immeubles, du private equity, de la dette privée et/ou des jetons (tokens).

Quand bien même le L-QiF ne serait pas soumis à autorisation en tant que tel, un L-QiF sous forme de fonds de placement doit être administré par une direction de fonds, qui elle est autorisée et surveillée par la Finma. La direction de fonds pourra déléguer les décisions en matière de placement à un gestionnaire de fortune collective. Un L-QiF revêtant la forme d’une SCmPC devra être confié à un gestionnaire de fortune collective autorisé et surveillé par la Finma. Par ailleurs, il conviendra de nommer une société d’audit chargée de l’audit du L-QiF.

Le L-QiF s’inscrit comme alternative à son homologue au Luxembourg, à savoir le reserved Alternative investment Fund (rAiF), largement employé ces dernières années. Cela étant, le principal inconvénient du -LQiF réside dans le fait que d’un point de vue «cross-border», le projet proposé n’élimine pas «les désavantages que les fonds suisses subissent aujourd’hui en raison de la restriction de l’accès au marché de l’Ue et du droit relatif à l’impôt anticipé»(4) .

Conclusion et délai

Il sera intéressant d’analyser à l’avenir de quelle manière le L-QiF sera utilisé, cela, pour la clientèle locale (i. e. domiciliée en Suisse). Compte tenu de l’expiration du délai référendaire de modification de la LPCC, l’introduction du L-QiF en Suisse est prévue pour 2023, sans qu’une date précise n’ait été fixée au jour de la rédaction du présent article.

NOTES

(1) Message du Conseil fédéral concernant la modification de la loi sur les placements collectifs (limited qualified investor fund, L-QIF), https://www.newsd.admin.ch/newsd/ message/attachments/62389.pdf, page 2, site consulté le 27 mars 2023.

(2) Message du Conseil fédéral concernant la modification de la loi sur les placements collectifs (limited qualified investor fund, L-QIF), https://www.newsd.admin.ch/newsd/ message/attachments/62389.pdf, page 2, site consulté le 27 mars 2023.

(3) Asset Management Association, https://www. am-switzerland.ch/fr/regulierung/l-qif, site consulté le 27 mars 2023.

(4) Message du Conseil fédéral concernant la modification de la loi sur les placements collectifs (limited qualified investor fund, L-QIF), https://www.newsd.admin.ch/newsd/ message/attachments/62389.pdf, page 2, site consulté le 27 mars 2023.

Me Alexandre de Boccard
Cofondateur
OA Legal SA (www.oalegal.ch)