«Les institutionnels vont revoir leur allocation d’actifs»

«Les institutionnels vont revoir leur allocation d’actifs»

janvier 10, 2023 Non Par Invité(e)s

Avec la remontée des taux, les temps vont devenir plus difficiles pour certains fonds immobiliers, les institutionnels ayant de nouveau l’option de garder du cash ou d’investir dans les obligations. Les nouveaux fonds vont devoir prouver leur valeur ajoutée, selon Bruno Mathis, responsable Fund & Immo Desk à la banque dépositaire de la BCV. Interview réalisée par Olivier Toublan pour Immoday

Avec la brusque remontée des taux d’intérêt, tout a changé pour les investisseurs institutionnels. Alors que récemment encore, le seul placement considéré comme sûr et rapportant un rendement stable dont ils disposaient était l’immobilier, ils ont aujourd’hui d’autres options, et on devrait rapidement constater une modification de leur allocation d’actifs, déjà dans les mois qui viennent. Avec quelles conséquences pour l’immobilier en général et les fonds de placement immobiliers en particulier ? Nous avons interrogé Bruno Mathis, qui, à son poste de responsable Fund & Immo Desk à la banque dépositaire de la BCV, est un des observateurs les mieux informés de l’intérêt des investisseurs institutionnels.

Bruno Mathis, est-ce que, pour les fonds immobiliers, la montée des taux d’intérêt a changé la donne ?

Comme tout le monde, nous observons le marché et constatons les ajustements des allocations d’actifs opérés par les institutionnels. Pendant plusieurs années, les fonds immobiliers ont été quasiment le seul placement qui proposait à la fois une certaine stabilité du capital et des rendements réguliers. Avec l’augmentation des taux d’intérêt, les investisseurs ont de nouvelles options à disposition. Il est désormais plus simple de conserver son cash, ou de se tourner de nouveau vers les obligations. Mais ce n’est pas une révolution, on revient simplement à la situation que l’on connaissait avant l’apparition des taux négatifs.

C’est de la théorie ou les institutionnels modifient vraiment leur allocation d’actifs ?

Il est clair qu’ils se posent des questions. Ils sont en train d’analyser leur allocation actuelle et de décider des changements à opérer. La question étant bien entendu de savoir si les taux vont continuer ou non de grimper.

Qu’en pensez-vous ?

Il est toujours difficile de prévoir toute évolution. Je peux simplement constater que les taux à dix ans, qui sont très observés par les investisseurs, ont fortement grimpé au premier semestre 2022, pour se tasser ces dernières semaines. La situation dépendra beaucoup de l’évolution de l’inflation que les banques centrales sont déterminées à maîtriser. Des hausses de taux courts vont certainement encore être réalisées jusqu’au printemps prochain au moins et des tensions sur les rendements obligataires pourront encore les accompagner.

Ce nouvel équilibre implique-t-il moins d’investissements dans l’immobilier ?

Ce changement de paradigme qu’est la hausse des taux va impacter toutes les classes d’actifs, l’immobilier, le cash et l’obligataire, mais également les actions.

Et l’immobilier indirect ?

Il va rester intéressant, mais il ne sera plus l’investissement par défaut.

Vous êtes un des responsables des activités de banque dépositaire à la BCV, vous avez une position d’observateur privilégié, alors je repose ma question : est-ce que les fonds immobiliers rencontrent des difficultés nouvelles ?

Nous constatons qu’il y a toujours de l’intérêt pour les fonds immobiliers, mais que les augmentations de capital opérées cette année par rapport à 2021 sont moins nombreuses. Il faut aussi dire que 2021 était une année record, donc c’est difficile de comparer.

Va-t-il être désormais plus difficile de lancer de nouveaux fonds immobiliers ?

Les émetteurs vont devoir venir avec un produit qui apporte une réelle plus-value aux investisseurs. Il ne sera pas possible de faire des copies de fonds que l’on trouve déjà par dizaines sur le marché.

Est-ce qu’il sera aussi plus difficile de réussir ses augmentations de capital ?

Les fonds bien établis, avec un bon track record, vont continuer d’intéresser les investisseurs. Cela dit, pour tout le monde, ce sera probablement un peu plus difficile qu’avant.

Certains disent que la nouvelle situation va permettre de faire la différence entre les fonds bien gérés et les autres.

C’est possible, mais dans un fonds, la bonne gestion ne suffit pas. Il faut aussi un bon portefeuille, un bon pipeline de projets, une très bonne connaissance de son marché et la capacité de saisir rapidement les opportunités qui se présentent.

La qualité ESG d’un portefeuille immobilier est-elle aussi importante ?

Ce n’est pas encore un critère essentiel, mais il devient de plus en plus important. Les investisseurs y deviennent attentifs, tout en reconnaissant que ce n’est pas simple d’améliorer la durabilité d’un portefeuille immobilier qui comporte parfois plusieurs centaines d’immeubles. Les choses sont en train de bouger dans le bon sens.

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