Révolution à venir : la possibilité d’effectuer des rachats dans le 3e pilier

Révolution à venir : la possibilité d’effectuer des rachats dans le 3e pilier

décembre 8, 2022 Non Par Invité(e)s

Edric Speckert
Responsable région Suisse romande
PensExpert SA

Malgré le fort intérêt suscité par la votation « AVS 21 » du 25 septembre dernier, une récente étude de la Haute école spécialisée de Lucerne (HSLU) publiée cet été en partenariat avec Pensexpert a mis en lumière que les connaissances des Suisses en matière de prévoyance, notamment individuelle, sont relativement restreintes.
(https://www.hslu.ch/de-ch/hochschule-luzern/ueberuns/medien/medienmitteilungen/2022/09/08/vorsorgestudie-2022/)

Le système des trois piliers demeure opaque et difficilement compréhensible pour nombre d’entre eux. Par ailleurs, d’après les conclusions de cette étude, cette faible maîtrise du domaine de la prévoyance est encore plus marquée en Suisse romande qu’en Suisse alémanique. Au-delà de ce constat, il est établi que les rentes de vieillesse vont drastiquement diminuer au cours de la décennie actuelle en raison de la baisse du taux de conversion. Cette diminution prochaine du taux de conversion, qui impactera négativement le montant des rentes versées aux futurs retraités, résulte d’une part de l’augmentation de l’espérance de vie et, d’autre part, de la persistance dans la durée de taux d’intérêt extrêmement bas. Dans ce contexte défavorable pour les futurs retraités, il existe cependant une piste de solutions intéressantes.

Quelles solutions ?

Par exemple, pour refinancer les lacunes à venir en matière de prévoyance, rendre possibles les rachats dans le 3e pilier serait une solution, un peu comme cela se fait actuellement dans le 2e pilier. Avec ce nouveau mécanisme, l’assuré refinancerait ses lacunes de prévoyance individuelle sur une période de plusieurs années et rattraperait de la sorte les années durant lesquelles il n’aurait pas cotisé. Concrètement, l’assuré pourrait combler tous les cinq ans une lacune correspondant à un montant maximum de 34 416 CHF (soit le montant annuel maximal du grand 3e pilier pour les indépendants) qu’il n’aurait pas réussi à financer dans cette période tout en continuant à payer ses versements annuels en parallèle.

« Dès lors, un relèvement substantiel des montants maximums donnant droit à des bénéfices fiscaux rendrait la prévoyance individuelle beaucoup plus attractive.»

Historiquement, la prévoyance individuelle est inscrite dans la Constitution fédérale depuis 1972. Contrairement au 1er et au 2e pilier qui sont obligatoires pour tous les employés, le 3 e pilier demeure facultatif. Malgré son caractère non contraignant, il représente toutefois un élément essentiel du système de prévoyance. en effet, le 3e pilier a pour objectif principal de compléter les prestations du 1er et du 2e pilier qui ont pour mission de garantir 60% du salaire touché avant la retraite. Le supplément de capital retraite généré à travers le 3e pilier doit ainsi permettre de garantir le niveau de vie antérieur une fois arrivé à la retraite.

Une limite encore trop basse

Actuellement, l’état encourage la prévoyance individuelle en octroyant des avantages fiscaux à travers les versements effectués dans le 3e pilier. Ainsi, chacun peut déduire un montant maximal de 6883 CHF de son revenu imposable chaque année. Toutefois, la limite maximum donnant droit à ces avantages demeure relativement basse. Dès lors, un relèvement substantiel des montants maximums donnant droit à des bénéfices fiscaux rendrait la prévoyance individuelle beaucoup plus attractive. C’est le but de la motion du conseiller aux états du parti du Centre Erich Ettlin qui a été acceptée en juin 2020 par les deux chambres fédérales. L’administration devra donc plancher pour mettre en œuvre cette motion et rédiger prochainement un projet de loi. Si tout se passe comme prévu, la nouvelle disposition légale relative au 3e  pilier (OPP3) verra en principe le jour au début 2024.

Ce grand chantier en vue de renforcer le système de prévoyance suisse est très important. A travers cette modification du 3e pilier, la classe moyenne pourra épargner des capitaux de retraite plus substantiels. Grâce au rachat, les lacunes de cotisations dans la prévoyance individuelle pourraient ainsi être plus facilement corrigées. Pour les femmes en particulier, ce système offrira l’opportunité de combler avantageusement les lacunes de prévoyance individuelle résultant d’une interruption de carrière suite à la naissance des enfants. Un père de famille de 55 ans pourra lui aussi par exemple rattraper ses retards de cotisation à travers des rachats dans le 3e pilier une fois que les enfants auront définitivement quitté le foyer.

La proportion doit augmenter

La grande majorité de la classe moyenne tirera des avantages importants de ce nouveau système de rachat dans le 3e pilier. Aujourd’hui, seule 14% de la population suisse arrive à verser la cotisation maximale de 6883 CHF. A l’avenir, cette proportion devrait augmenter considérablement grâce à ce nouveau mécanisme, qui rendrait le système de retraite suisse plus flexible et mieux adapté pour faire face aux transformations actuelles de la société.

BIOGRAPHIE

Edric Speckert a étudié à l’Université de Genève ainsi qu’à l’IMD de Lausanne et apporte avec lui une longue expérience dans la prévoyance professionnelle et le conseil en placement. Au cours de sa carrière, il a notamment travaillé pour Liberty Vorsorge AG, Vontobel, Credit Suisse SA et Wegelin & Co. Il est originaire de Genève et parle, en plus du français, l’allemand, l’anglais et l’espagnol.