Hervé Ordioni, Directeur de la banque privée internationale du Groupe Edmond de Rothschild

Hervé Ordioni,

Directeur de la banque privée internationale du

Groupe Edmond de Rothschild

août 31, 2023 Non Par Edouard Bolleter

«Nous ne nous interdisons rien»

La Banque Edmond de Rothschild (EDR) fait indéniablement l’actualité sur la place financière romande en cette rentrée 2023. Recherche d’une croissance importante, recrutements en nombre, nominations emblématiques et refonte de la structure organisationnelle des marchés à l’interne, futur déménagement… l’établissement en mains familiales vit une période particulièrement chargée dans un contexte bancaire suisse qui peine à oublier le traumatisme lié à Credit Suisse. Véritable chef d’orchestre du «renouveau» de la banque privée à Genève, Hervé Ordioni a accordé un entretien sans fard durant l’été à Point de Mire. Directeur de la banque privée internationale du Groupe Edmond de Rothschild, le dirigeant a rejoint il y a une année le site de Genève (en provenance de Monaco) pour développer les activités de la banque privée à l’international, avec le soutien d’Ariane de Rothschild. Il explique ses premières décisions, ses ambitions et celles de la banque privée au nom et à la réputation historiques. En ligne de mire, Edmond de Rothschild veut déployer les activités de sa gestion de fortune au-delà
du marché européen.

Par Edouard Bolleter


PdM: Hervé Ordioni, vous avez rejoint le groupe en 1996 à Monaco, où vous avez dirigé les activités à partir de 2013. Comment vous sentez-vous en tant que CEO de la banque privée internationale aujourd’hui en Suisse ?

Hervé Ordioni: Je me sens à l’aise à Genève, car je bénéficie de trente années d’expérience dans la gestion de fortune dont une très grande partie dans le Groupe Edmond de Rothschild. Grâce à mon parcours à Monaco, je connais parfaitement les rouages et la culture de la banque ainsi que le travail avec la clientèle internationale. Avec mes compétences techniques d’ingénieur patrimonial et de réviseur notamment, les termes de ma mission sont clairs et en phase avec mon expérience. Rejoindre la Suisse qui est une référence en matière de banque privée est une étape très enrichissante.
 
Un an après votre entrée en fonction à Genève, quels sont vos constats ?
Nous sommes dans les objectifs liés à mon poste et décrits par Ariane de Rothschild à mon arrivée. Ils correspondent toujours à une stratégie claire, la croissance en Suisse et à l’international. Le groupe dispose de forts atouts pour délivrer cette stratégie et, notamment, un nom historique, une forte confiance de ses clients liés à notre nature familiale et une culture fondée sur l’entrepreneuriat, la recherche d’impact et l’excellence. Ariane de Rothschild nous donne les moyens de ses ambitions, ce qui rend notre tâche beaucoup plus aisée.

Reste que vous avez dû changer passablement la structure opérationnelle dès votre arrivée. Comment réussir les étapes essentielles ?
Un premier point d’étape après trois mois d’observation a permis de souligner ce qui fonctionnait et de faire ressortir quels étaient les obstacles à éliminer. La mise en place d’une stratégie s’est imposée avec, par exemple, une nouvelle répartition géographique des activités en huit marchés. Aujourd’hui, la partie européenne (France, Luxembourg, Belgique, Italie, Espagne, Portugal) fonctionne en parallèle à celle dite «internationale», dont je suis chargé et qui regroupe les pays hors Union européenne. C’est-à-dire la Suisse, le Royaume-Uni, Monaco, mais aussi les pays du Proche-Orient et d’Asie.

Vous travaillez en suivant les objectifs d’Ariane de Rothschild. Comment communiquez-vous ensemble ?
La cadence de nos échanges en «one to one» est d’environ tous les quinze jours. Mais nous avons nos bureaux au même étage et les échanges informels sont également fréquents, notre CEO étant toujours très ouverte au dialogue. C’est une femme très inspirante, avec une vision de long terme, portée par des convictions fortes et qui attache beaucoup d’importance à l’excellence du service à nos clients. Un véritable leader.

La croissance revendiquée est avant tout géographique, les efforts semblent particulièrement marqués en Israël et au Moyen-Orient.
Nous avons toujours servi une clientèle internationale depuis nos hubs principaux, dont la Suisse. Ces hubs peuvent s’appuyer sur des bureaux dédiés dans les marchés où la proximité est un argument clé pour les clients. C’est souvent le cas pour les entrepreneurs familiaux. Ainsi, en Israël, où nous sommes implantés depuis plus de vingt ans, de nouvelles équipes sont arrivées pour renforcer notre présence afin de répondre aux besoins des entrepreneurs et de sociétés technologiques. à Dubaï, nous proposons des services de diversification pour des clients privés et il faut se montrer très réactif. Les banques suisses ont un rôle important à jouer là-bas. Pour notre part, une licence bancaire y a été obtenue cette année en vue de concrétiser une véritable entité qui s’adresse de nouveau en majeure partie aux familles d’entrepreneurs.

Quelles seront les étapes suivantes ? Un pas vers l’Asie ?
C’est déjà fait. Avec des partenariats actuellement au Japon et au Vietnam, la croissance en Asie est en route. Les prochaines étapes sont à l’étude.

En Suisse, quelles sont vos intentions ?
En Suisse, la croissance est organique avant tout. Nous ne recherchons pas à racheter en priorité des entités, mais nous ne nous interdisons rien! Nous suivons le plan de développement et de croissance établi suite à un état des lieux très précis des activités et de la clientèle à fort potentiel. Nous sommes en ce moment dans cette dynamique avec beaucoup d’embauches. Je vise une croissance de 20% du nombre de nos banquiers et j’aimerais que nous accélérions encore ce processus à la rentrée. Nous détenons de nombreuses places de travail à Zürich, Lausanne ou encore Lugano, il faut logiquement en profiter.

A ce sujet, les candidats recherchés sont très profilés…
La priorité va aux jeunes collaborateurs, nous recherchons le dynamisme et des gestionnaires proches de la clientèle composée de nouveaux entrepreneurs. Edmond de Rothschild a toujours soutenu une approche de la finance qui se met au service de l’économie réelle et soutient les transformations de notre société. C’est un choix qui résonne parfaitement avec la nouvelle génération d’entrepreneurs, soucieuse de l’environnement, et nos banquiers intègrent ces considérations dans leur conseil aux clients. Nos banquiers détiennent la même conscience que leurs clients.

La clientèle cible reste donc identique avec l’arrivée de nouveaux gérants ?
Oui, mais j’aimerais augmenter la taille du portefeuille moyen, élever les montants. Nos gérants doivent s’adapter aux différents profils de clientèle ainsi qu’à la grandeur de leur portefeuille.

Les domaines de croissance sont-ils aussi définis ?

Oui, la stratégie vise les entrepreneurs et le domaine de la prévoyance. Nous sommes une banque d’entrepreneurs qui s’adresse aux entrepreneurs. L’offre EdR en matière de prévoyance professionnelle existe depuis plus de dix ans. Aujourd’hui, cette expertise représente un axe de développement majeur de notre banque en Suisse nous permettant de se rapprocher de la clientèle entrepreneuriale et de répondre à ses besoins. En tant que banquiers de gestion de fortune, nous sommes également capables de gérer des actifs en matière de prévoyance professionnelle de base; notre département «Wealth Planning» a également renforcé ses équipes et les synergies entre ces différentes expertises additionnées à celles du banquier garantissent au client de recevoir un conseil pertinent et efficace. Nous proposons systématiquement une approche holistique et agissons en équipe.

Le marché suisse est le plus important dans votre dicastère. Quelle est votre lecture de celui-ci ?
Pour moi, la Suisse a innové dans son offre de services financiers. Le paysage de la clientèle bancaire reste relativement classique avec les clients «locaux», les étrangers qui résident en Suisse et la clientèle internationale qui recherche les services professionnels de gestion de fortune.

Hervé Ordioni en bref:
Hervé Ordioni est CEO de la banque privée internationale et membre du comité exécutif du Groupe Edmond de Rothschild depuis le 1er juillet 2022. Il est également membre du conseil d´administration d´Edmond de Rothschild Monaco. Hervé Ordioni a rejoint le groupe en 1996 et, depuis 2013, il était CEO d´Edmond de Rothschild Monaco.
Il est diplômé de l´Université de Paris Dauphine et titulaire d´un Master en gestion de patrimoine.

Votre style de management est-il descriptible, et en avez-vous conscience ?
Je connais mes priorités dans le management. En premier lieu, j’apprécie d’être entouré d’une équipe de confiance avec qui je peux échanger.

Et votre philosophie bancaire ?
Quelle est-elle ?

Je suis étonné par cette question, mais je la trouve intéressante car elle correspond à ma vision du métier: il faut avoir des convictions et les communiquer à ses clients. Pour ma part, en termes de stratégie, je privilégie les actions aux obligations et j’apprécie lorsque je peux expliquer les raisons de cette préférence à mes clients. Nous mettons en œuvre une stratégie de moyen long terme, alignée sur notre conviction de création de valeur par les entreprises bien gérées, adaptable aux profils de nos clients, ce qui nous a amenés à élargir notre offre de mandats de gestion. Ma philosophie est donc tournée aussi vers les échanges en petit comité, les interactions et le partage des idées.

La banque va déménager dans le quartier de l’étang à Genève. Pourriez-vous décrire ce mouvement historique ?
Le projet en cours vise à rassembler tous les collaborateurs dans un seul bâtiment, au lieu de quatre comme c’est le cas actuellement. Le quartier de l’étang est un emplacement atypique pour une banque, mais nous allons profiter de la dynamique du lieu en jouant un rôle de pionnier. Le monde du travail change, les besoins en bureaux changent également et je me réjouis de commencer une nouvelle ère dans ce nouveau lieu très moderne et ancré dans l’impact durabilité qui offre toutes les commodités à nos employés. Il est à noter que nous conservons l’immeuble dit «Diday» au centre de Genève. Nous y organiserons des réunions avec les clients en ville et il sera dédié à des conférences notamment, afin de continuer à bénéficier des avantages d’une présence au cœur de la ville.

En conclusion, quel est votre message aux entrepreneurs de la finance qui nous lisent ?
La Banque Edmond de Rothschild est fière de servir le monde des entrepreneurs, alors je leur dis: «Venez nous rencontrer !»

Les valeurs d’Edmond de Rothschild

La banque dévoile ses valeurs et engagements sur son site internet et les objectifs clés sont: «Investir avec des convictions sur le long terme», «Au-delà du financier» et «Concilier rentabilité et durabilité économique».

Pour son activité Héritage, elle propose une démarche entrepreneuriale, la transmission et la modernisation d’un patrimoine et l’excellence des savoir-faire.

En ce qui concerne l’investissement dans la voile et le Gitana, les valeurs sont: laboratoire d’innovation,
esprit d’équipe et prise de risque. Enfin, les fondations de la banque mettent en avant la diversité et le développement des talents, l’inclusion et le soin des autres.

Les présences de la banque dans le monde