«Je pense qu’il y a urgence à intervenir»
décembre 11, 2023Jörg Odermatt
Président du conseil d’administration
PensExpert
PensExpert est un acteur majeur de la prévoyance professionnelle en Suisse et le leader des solutions de prévoyance individualisées. Jörg Odermatt, le président de son conseil d’administration, a pris la parole en tant qu’invité de Point de Mire afin de donner son avis notamment sur les votations à venir courant 2024. Un référendum a été lancé avec succès contre la réforme adoptée par le Parlement au printemps 2023. Le peuple se prononcera en 2024 sur cet objet. Le taux de conversion minimal dans la prévoyance professionnelle obligatoire sera abaissé de 6,8% à 6%, au moment de l’entrée en vigueur de la réforme. Au-delà de ces propositions, c’est l’avenir de la LPP qui est soumis à la réflexion. Jörg Odermatt donne des pistes intéressantes sur ce sujet essentiel.
Jörg Odermatt, le système de prévoyance suisse est loué dans le monde entier, pourquoi tant d’initiatives pour le changer?
Le système de prévoyance suisse repose sur trois piliers dont chacun est financé de manière autonome et c’est une très bonne chose pour les retraites des citoyens. Mais une réforme de la prévoyance reste nécessaire parce que le marché du travail s’est profondément transformé depuis l’introduction du 2 e pilier en 1985. Le travail partiel et les situations d’emplois multiples ont pris beaucoup d’importance au cours de la dernière décennie.
Que prévoyez-vous concernant le référendum contre la baisse du taux de conversion en mars prochain?
Je pense que le peuple suisse refusera cette baisse du taux de conversion de 6,8 à 6%. C’est compréhensible, car la baisse du taux de conversion impliquerait une baisse du niveau des rentes et les gens ne comprennent pas pourquoi ils devraient réaliser ce sacrifice. C’est notamment une conséquence du manque de formation sur ce sujet complexe. Je le regrette, car le système doit pourtant être changé si nous voulons qu’il soit efficace encore longtemps.
Quelle serait la meilleure piste à suivre pour que les réformes soient acceptées, selon vous et votre expérience du domaine?
Il faut modifier la stratégie pour que cette réforme importante puisse enfin aboutir. Il faudrait par exemple proposer une scission du paquet de réformes du 2 e pilier. En faisant cela, le peuple devra se prononcer d’abord sur des mesures essentielles qui toucheront le marché du travail et ses nouvelles spécificités. Ensuite, il pourra être question d’une baisse du taux de conversion, mais ce sera dans un deuxième temps.
Vous semblez vouloir que les choses se pressent par rapport à ces dernières années. Existe-t-il une sorte d’urgence?
En effet, il ne faut pas tarder à faire les changements. Du retard a été pris dans les réformes par rapport à l’avancée des tendances du marché du travail et des nouvelles habitudes professionnelles. Je pense qu’il y a urgence à intervenir pour moderniser cette loi, oui. En ce qui concerne le taux de conversion, il faut dans l’idéal qu’il soit abaissé dans les cinq prochaines années.
Alors, comment accélérer les manœuvres?
Il faut que ce sujet soit discuté en force dans le pays et avec toute la population, et surtout avec les jeunes qui doivent aussi être mis au courant des problématiques liées à la prévoyance, car certains ne comprennent pas pourquoi ils devraient payer pour les personnes plus âgées.
Votre force de proposition est importante, faites-nous part de vos autres idées…
La loi concernant les solutions de placement individualisées 1e (soit la possibilité de choisir sa propre stratégie de placement à partir d’un niveau de salaire de 132 300 francs, ndlr) n’est pas équitable, à mon avis. Le seuil de revenu minimum est beaucoup trop haut. il faudrait le baisser au niveau de la part obligatoire de la LPP qui porte jusqu’à 86 040 francs. Une autre solution pratiquée par certains pays européens, comme la Belgique, est très intéressante. Il s’agit du «life circle investment». Les personnes de moins de 40 ans ont la possibilité d’investir 100% de leur prévoyance sur les marchés boursiers. Le pourcentage d’actions dans le portefeuille diminue automatiquement à mesure que les personnes vieillissent, en fonction de tranches d’âge.
Quel est votre conseil en termes d’actions?
A titre privé, il paraît judicieux d’investir dans les grands titres suisses qui proposent des dividendes élevés et stables. Il est à noter que dans le cadre de plans 1e, les assurés optent pour des stratégies d’investissement et non de titres spécifiques.
Comment se profile l’année 2024 dans votre domaine?
L’année 2022 était difficile au niveau des placements dans le domaine des plans 1e, mais cela n’a que peu affecté nos résultats annuels qui étaient très positifs. 2023 semble pour le moment être meilleure au niveau des placements. Je suis optimiste pour l’année prochaine, elle devrait apporter des résultats encore bien plus intéressants.
Jörg Odermatt
Président du conseil d’administration
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