Lionel Aeschlimann, Associé gérant du groupe Mirabaud

Lionel Aeschlimann, Associé gérant du groupe Mirabaud

novembre 23, 2023 Non Par Edouard Bolleter

«La rencontre entre Zebra Impact Ventures et Mirabaud est une évidence naturelle»

Lionel Aeschlimann (au centre), Associé gérant du groupe Mirabaud et CEO de Mirabaud Asset Management, Fabio Sofia (à gauche) et Lionel Artusio, Managing Partners et cofondateurs de Zebra Impact Ventures, décrivent leur nouveau partenariat dans une thématique aussi innovante que prometteuse: la transformation des systèmes alimentaires. Un entretien à trois voix qui dévoile en exclusivité une stratégie d’avenir commune à trois visionnaires romands. 

Par Edouard Bolleter

Lionel Aeschlimann en bref
Avocat au barreau de Genève depuis 1994, Lionel Aeschlimann a rejoint la banque Mirabaud en 2010 en qualité de membre du Comité exécutif. Associé gérant du Groupe Mirabaud depuis janvier 2011, il est CEO de Mirabaud Asset Management depuis sa création en 2012 en tant que ligne de métier indépendante. Auparavant, il était associé du cabinet d‘avocats suisse Schellenberg Wittmer, où il dirigeait la pratique bancaire et financière. M. Aeschlimann est également président du Conseil du fonds Haussmann GP, membre de la Commission des OPA, ainsi que du Conseil de la fondation Avenir Suisse. Passionné d’art contemporain, Lionel Aeschlimann est engagé dans la curation et l’animation de la vaste Collection d’art contemporain de Mirabaud. La collection est mise à disposition du public au travers de prêts à des musées, de visites organisées ainsi que d’un site dédié.

PdM: Lionel Aeschlimann, en introduction, quelle est l’offre de Mirabaud en matière d’actifs privés? 

Lionel Aeschlimann: Nous développons une offre innovante et différenciée en matière d’actifs privés depuis 2017 en nous concentrant sur des thématiques séculaires. Nous comptons déjà trois stratégies dédiées aux villes durables, à l’art de vivre et au luxe. Notre récent partenariat avec Zebra Impact Ventures nous permet d’ajouter une quatrième thématique: la transformation des systèmes alimentaires. Nos stratégies thématiques sont dirigées et gérées par des spécialistes des industries concernées. Nos équipes connaissent en profondeur les secteurs, enjeux et problématiques des entreprises dans lesquelles elles investissent. Elles sont également perçues par nos sociétés cibles comme des alliées à haute valeur ajoutée qui les aident à se développer, à affiner leur stratégie, à améliorer leur qualité d’exécution et à accélérer leur croissance grâce aux connaissances et aux réseaux qu’elles possèdent. Entre ces stratégies et les club deals – en co-investissement ou en direct – que nous proposons depuis cinq ans, nous gérons aujourd’hui environ un milliard en actifs privés.

Pourquoi proposer aujourd’hui une quatrième thématique sur la transformation des systèmes alimentaires?

Lionel Aeschlimann: Nous tenions particulièrement à cette thématique à laquelle nous croyons fortement. Elle traite de sujets essentiels puisqu’elle vise à accélérer la transformation des modèles alimentaires mondiaux. Il s’agit en quelque sorte d’agriculture 3.0. Nous investissons dans des sociétés actives dans le domaine des services technologiques aux entreprises et aux fermiers, de la nutrition alternative et des nouveaux ingrédients ainsi que de la gestion des déchets agricoles. Le maître-mot sera «agriculture régénérative». Notre objectif, au moyen d’une stratégie d’impact qui sera catégorisée en article 9 SFDR, est de délivrer un IRR de l’ordre de 25%. Nous investirons essentiellement en Europe et aux états-Unis. De plus, en termes de vision, positionnement stratégique et valeurs, les équipes de Zebra Impact Ventures s’inscrivent parfaitement dans le cadre stratégique que nous nous sommes fixé. Notre rencontre puis notre décision de former ensemble un nouveau collectif d’investissement d’impact nous sont apparues, à tous, comme une évidence naturelle.

Fabio Sofia, dans le cadre de cet accord, parlez-nous de Zebra Impact Ventures.

Fabio Sofia: Zebra Impact Ventures est une société de capital investissement, créée par Lionel Artusio et moi-même, afin d’investir dans des technologies permettant la transformation des systèmes tout en protégeant et régénérant la nature. La transformation des systèmes alimentaires, de la ferme à la fourchette, est une thématique fondamentale dans la lutte contre le changement climatique. Nous sommes absolument certains que ce secteur est encore sous-évalué et présente de réelles opportunités d’investissement. De plus, l’alimentation est un sujet crucial car l’approvisionnement en nourriture de qualité nous concerne tous, et de surcroît dans le contexte particulièrement sensible que nous connaissons actuellement. C’est également un domaine permettant d’évaluer directement les impacts et les changements en termes d’émissions de carbone et de consommation d’eau douce, entre autres.

Il semble que le domaine de la production alimentaire soit arrivé à un point de rupture. Quelles sont vos perspectives sur ce secteur? 

Fabio Sofia: Le système alimentaire mondial doit urgemment se réformer car il est effectivement arrivé à un point de rupture au niveau mondial. Face à la hausse de la démographie mondiale, au changement climatique, aux attentes des consommateurs et à l’appauvrissement des sols, le challenge est immense. Nous devons produire 60% de nourriture en plus d’ici à 2050 afin d’éviter des crises sanitaires majeures. Nous sommes persuadés que l’investissement doit se concentrer sur les entreprises innovantes qui feront l’alimentation de demain. La production de protéines, par exemple, doit croître de 30% d’ici à 2050, mais nous ne pourrons pas atteindre les objectifs climatiques avec l’élevage traditionnel. De nouvelles sources de protéines de bonne qualité et respectueuses de la biodiversité peuvent être four nies par des champignons ou des insectes, et ce, sans détruire la nature. Nous sommes également convaincus que l’agriculture régénérative sera particulièrement importante pour reconstituer les sols qui sont dégradés par exemple en Europe à hauteur de 70%. Après des années d’agriculture intensive, la restauration des sols nécessite des techniques nouvelles et une remise en question complète de nos modes de production. L’aide des datas issues de satellites ou de nouvelles machines permettant un désherbage ou un arrosage sélectifs de précision en sont de bons exemples.

En quoi Zebra Impact Ventures présente-t-elle une stratégie innovante?

Lionel Artusio: Contrairement à la plupart des fonds foodtech, nous ne recherchons pas de manière excessive des «licornes» dont la culture est basée largement sur l’accès à du capital attractif et à une croissance organique qui cible le profit avant tout. Nous dénichons des «zèbres», des entreprises innovantes et collaboratives, qui donnent la priorité autant à la durabilité qu’à la rentabilité, tout en contribuant à l’amélioration de la société. Elles ne sacrifient pas un aspect pour l’autre, mais participent à l’un et à l’autre avec une certaine résilience. C’est un parti pris de long terme beaucoup plus convaincant pour les investisseurs institutionnels et pour les caisses de pension qui souhaitent investir dans la thématique. La situation actuelle avec le renchérissement du capital et un retour à des valorisations raisonnables nous donne raison. 

Lionel Aeschlimann: Ce modèle convient à la démarche de durabilité que Mirabaud poursuit au travers de toutes ses stratégies. En investissant dans ces jeunes entreprises, nous pouvons également jouer le vrai rôle de l’actionnaire, en mettant en place des objectifs en matière de durabilité, des indicateurs à suivre ou encore une rémunération des dirigeants alignée sur les objectifs. Cela nous permet de remplir les critères d’additionnalité et d’intentionnalité des fonds article 9. Les entreprises dans lesquelles nous investissons appliquent notre approche Mirabaud fondée sur la conviction, la responsabilité et l’engagement entrepreneurial sur le long terme.

Quels sont les objectifs de cette stratégie et quels sont vos premiers investissements? 

Lionel Artusio: Nous avons déjà cofinancé nos premières transactions avec Mirabaud. C’est un signe d’engagement concret et de confiance entre une maison historique de la place genevoise, sa division d’asset management et notre jeune entreprise. Quatre transactions ont ainsi déjà été réalisées tandis que plusieurs autres sont en préparation pour la fin de l’année. Nous avons décidé de nous concentrer sur l’agriculture de précision, les nutriments alternatifs, les déchets et la circularité. Nous nous focalisons sur des sociétés dont les solutions B2B sont créées en étroite collaboration avec le secteur agroalimentaire. Nous sélectionnons nos projets avec le support de chercheurs en agroécologie ou d’ONG qui nous permettent de valider le potentiel régénératif de nos projets. Nous avons investi dans deux pépites suisses: Koa, spin-off de l’EPFZ, qui valorise la pulpe de cacao et conçoit une alternative au sucre utilisée par des sociétés agroalimentaires comme Lindt & Sprüngli. Koa offre aux petits agriculteurs ghanéens un revenu supplémentaire grâce à cette activité et permet d’éviter le gaspillage des fruits du cacao lors de leur récolte. CleanGreens, issue de l’Agropôle de Molondin proche d’Yverdon, est une société suisse innovante qui a mis en place un système aéroponique automatisé et rentable pour la culture en serre. Il permet d’utiliser 96% d’eau en moins pour la culture des salades par exemple en comparaison avec l’agriculture traditionnelle, tout en garantissant une production sans chimie de grande qualité nutritive. En Europe, nous comptons BettaFish, une société allemande qui développe à partir d’algues une alternative végane au thon vendue à des groupes industriels. Aux Etats-Unis, la société californienne Pachama estime l’émission et la rétention de CO 2 dans des forêts, à l’aide d’une couverture par satellite et de capteurs au sol.

Quelles sont à ce jour les attentes de vos clients dans ce domaine?

Lionel Aeschlimann: Les entreprises non cotées représentent près des deux tiers de l’économie et sont souvent à la base de l’innovation requise pour transformer les systèmes. Ces entreprises attendent de plus en plus avant de lancer leur IPO. Beaucoup connaissent, logiquement, des taux de croissance supérieurs à ceux des entreprises cotées. Nos clients attendent de nous que nous leur donnions accès à cet énorme pan de l’économie mondiale, qui leur offre de meilleurs rendements à long terme, mais également une certaine diversification. Par ailleurs, nos clients sont à la recherche d’investissements qui non seulement génèrent de bonnes performances financières, mais participent aussi à l’économie réelle. En investissant dans des entreprises qui seront les «étoiles» de demain, aux côtés d’entrepreneurs engagés, ils contribueront à accélérer la transition vers une économie plus respectueuse de la planète et de la société.

Mirabaud Asset Management

Mirabaud Asset Management est la division indépendante de gestion d’actifs du groupe Mirabaud. Elle se concentre sur l’investissement actif dans les domaines des obligations, des actions, de la gestion multi-actifs et des actifs privés. La société répond aux besoins de ses clients par des stratégies d’investissement durables et de forte conviction. Elle opère dans les principaux centres financiers d’Europe: Londres, Paris, Genève, Zurich, Madrid, Milan et Luxembourg.

Zebra Impact Ventures

Fondée par Lionel Artusio et Fabio Sofia, Zebra Impact Ventures est une société de capital-risque basée en Suisse et axée sur l’impact à travers la nature et la technologie. Elle investit dans des entreprises à impact positif sur la nature, en phase de démarrage ou de croissance, qui ont le potentiel de mener la transformation dont le monde a besoin. Zebra Impact Ventures ambitionne de devenir une boutique de capital-risque à impact de premier plan au niveau mondial d’ici à 2030, grâce à des stratégies d’investissement autour des technologies de la nature telles que la transformation des systèmes alimentaires, la décarbonation, le transport et la mobilité, l’énergie et les réseaux électriques. Elle agit en tant que fonds géré, autorisé et supervisé par la Finma en Suisse.