Ralf Plänkers, Chef de la division Assurances-vie à la Vaudoise

Ralf Plänkers, Chef de la division Assurances-vie à la Vaudoise

mai 11, 2021 Non Par Daniel Stanislaus Martel

La digitalisation comme gage d’efficacité

Propos recueillis en exclusivité pour Point de Mire par Daniel Stanislaus Martel

Les acteurs de l’assurance ont entamé leur transition numérique de base en parallèle aux autres institutions financières. Contrairement à ces dernières, le secteur de l’assurance était moins sous pression de part sans doute une plus faible exposition au phénomène du « me too » et à la dépendance des outils technologiques dédiés aux clients finaux. Les assureurs opèrent plutôt dans un monde moins disruptif quant aux besoins du marché – l’idée de la prestation en assurance et de prévoyance a sa logique innée – et moins abrupt en ce qui concerne les attentes de ses bénéficiaires. La Vaudoise est nonobstant en train de remanier son outil de production sous l’influence, par exemple, de son nouveau partenariat avec la plateforme de prévoyance lemania-pension hub et les modes de travail pratiqués depuis 2020.
M. Ralf Plänkers, Chef de la division Assurances-vie à la Vaudoise explique les défis de cette transformation.

Point de Mire : Pour commencer, quand vous retiendrez une nouvelle technologie telle que la blockchain, quels sont les trois critères primordiaux ?

Ralf Plänkers : En tant qu’assureur toutes branches, l’innovation technologique n’est généralement pas le point de départ de nos discussions. Dans la plupart des cas, c’est en analysant des opportunités d’innovation pour une meilleure offre aux clients ou une plus-value dont ils bénéficieront plus tard, que nous appréhendons une nouvelle technologie. Dans l’environnement assurantiel très réglementé en Suisse, il y a encore peu de «use cases» de transactions via blockchain qui améliorent l’expérience client d’une manière significative. Ainsi, d’autres innovations ont encore la priorité aujourd’hui.

PdM : Comment développez-vous et essayez-vous les interfaces API ? Avez-vous des partenaires ?

R.P. : C’est justement au niveau des API (Application Programming Interface) que la Vaudoise a identifié une piste attractive. La digitalisation dans beaucoup de domaines permet de plus en plus aux acteurs agiles de fournir des services innovants. En réalité, elle permet une déconstruction de la chaîne de valeur qui peut mener à des nouvelles combinaisons de services et produits avec des acteurs tiers et leurs clients. Ces entités sont aussi bien des start-ups que de grandes entreprises établies, devenues agiles. Nous cherchons à déployer nos APIs avec une multitude d’acteurs tiers, mais aussi en interne entre systèmes d’ancienne et nouvelle génération. Il était donc primordial de se baser sur les standards du marché.

PdM : Comment évaluez-vous l’utilité potentielle d’une technologie émergeante qui n’a pas encore fait
ses preuves ?
R.P. : Nous avons une structure et des processus clairement établis dans notre business development afin d’analyser le marché des start-ups. De ce fait, nous pouvons suivre les technologies émergentes et aussi investir dans des start-ups prometteuses. Nous pouvons ainsi gagner en expérience en développant des projets pilotes avec elles.

PdM : Qui dit numérisation dit données. Comment assurez-vous la rétrocompatibilité, donc l’utilisation continue des données existantes par des nouveaux systèmes ou mises à jour ? Dans quel sens cet impératif limite-t-il vos choix technologiques ?

R.P. : En tant qu’assureur vie, nous plaçons les données personnelles de nos clients au cœur de nos préoccupations. Ces données nous permettent depuis longtemps de calculer des primes adaptées aux risques effectifs auxquels sont exposés nos clients, et ainsi proposer des tarifs attractifs, reconnus comme tels sur le marché. Une personnalisation accrue des propositions d’assurance en tenant davantage compte de la situation individuelle de chaque client est une tendance forte aujourd’hui. Nous travaillons étroitement en ce sens avec nos réassureurs qui ont une vue plus large et internationale dans ce domaine. Mais nous ne sommes pas au cœur de la Silicon Valley ou à Tel Aviv ; la protection des données est un point central pour nos clients et nous-mêmes. Nos APIs facilitent le transfert des données entre systèmes et partenaires, mais ce sont surtout les considérations liées à la sécurité des données que nous amènent à limiter les échanges.

PdM : La génération essentielle sont les jeunes qui ont grandis avec les nouvelles technologies. Quels sont leurs échos à vos développement continus qu’ils considèrent souvent comme en retard ?

R.P. : En mars 2021, nous avons annoncé l’ouverture de notre système aux partenaires via des API dans le domaine de la prévoyance et de la bancassurance. Avec notre premier partenaire pour ce service, lemania-pension hub, nous permettons à leurs clients de souscrire à notre produit assurance vie en ligne à tout moment. Les échos sont très positifs, même si nous travaillons continuellement à améliorer cette solution afin de proposer une expérience client optimale tout au long la chaîne de valeur. Par ailleurs, nous devons attendre début 2022 afin que la nouvelle loi sur les assurances (LSA) entre en vigueur. Elle proposera notamment des simplifications concernant les formulaires requis et une base légale plus souple liée aux signatures électroniques. Les assureurs ont certes pris du temps à s’ouvrir aux processus digitaux, mais il faut dire que le cadre légal ne les a pas aidés en ce sens.

La digitalisation comme défi de développement des assurances

PdM : Une grande question est la sécurité physique des données. Depuis des années on entend le slogan de la Suisse comme le datacenter sécurisé du monde. Qu’en pensez-vous et comment assurez-vous l’intouchabilité de
vos données ?


R.P. : La protection des données est essentielle pour nous. Encore davantage dans ce monde toujours plus interconnecté. Nous appliquons une politique qui favorise les systèmes locaux. Pour des services complémentaires, comme les serveurs de partenaires ou cloud, nous avons une approche structurée afin d’analyser le setup et opter pour la solution la plus adaptée. Si la protection des données de nos clients n’est pas garantie, nous ne recourons pas à des services externes.

PdM : Pour finir une question générale plus importante. La crise de Covid a renforcé les tendances vers le télétravail, les horaires flexibles, etc. Comment anticipez-vous vos prestations dans le monde post-Covid ?

R.P. : Nous observons aujourd’hui une combinaison de deux tendances chez nos clients. D’une part, le constat que la prévoyance étatique et professionnelle (1er et 2e pilier) ne suffira pas à garder le niveau de vie souhaité à l’âge de la retraite. D’autre part, la Covid-19 suscite des questions liées à la santé et aux problèmes financiers d’une famille si un drame venait à la frapper. Le système des 3 piliers reste compliqué. Même si l’attrait pour nos offres et services en ligne augmentent, nos clients indiquent clairement le besoin d’un échange personnel avec nos experts. Nous optons ainsi pour une approche hybride, combinant expérience digitale et conseil personnalisé, en mode physique ou à distance. De manière générale, nous voulons renforcer la fluidification de notre relation clientèle, instaurer l’omnicanalité dans toutes nos actions (le client choisit son canal, son interaction et obtient le même service et les mêmes conditions, indépendamment des canaux de distribution).

Faisons le point !
Quelle est la prochaine technologie à l’horizon pertinente pour vous comme acteur au niveau de l’assurance ?

Au lieu d’une seule technologie disruptive (p.ex. la blockchain ou le quantum computing) j’imagine davantage l’intégration digitale de plusieurs acteurs, comme dans le cadre des écosystèmes ou autres partenariats. Ce développement a le potentiel d’offrir une véritable disruption aux clients afin de les aider à identifier un besoin de protection au moment d’une décision importante ; achat d’une maison, naissance d’un bébé, changement de travail, l’entrée ou la préparation de la retraite. Cela permettrait d’utiliser les données personnelles afin d’indiquer automatiquement au client un potentiel risque ou lacune de couverture, suivi d’un conseil digitalisé ou humain, et enfin la proposition d’offres adaptées avec souscription en un seul clic. L’évolution de nos APIs permettra à la Vaudoise de fournir de la valeur aux clients et à nos partenaires dans les écosystèmes.

Ralf Plänkers a rejoint le Groupe Vaudoise en 2019 en qualité de Chef de Division Vie Individuelle avec un objectif clair : redynamiser le secteur Vie et instaurer une culture Prévoyance au sein du Groupe. Auparavant, il a travaillé pendant dix ans à l’UBS dans les domaines de l’expérience client, la prévoyance, les assurances vie ainsi que l’approche conseil. Lausanne, siège de la Vaudoise, est un retour aux sources pour Ralf Plänkers puisqu’il a obtenu son doctorat en informatique à l’EPFL. Il oscille entre Lausanne et sa famille à Zürich.