Les défis de l’inclusion des femmes dans l’économie

Les défis de l’inclusion des femmes dans l’économie

mai 16, 2021 Non Par Invité(e)s

Anton Sussland
Founder & Managing Partner
Sussland & Co SA

L’inégalité économique entre hommes et femmes en Suisse existe encore en 2021

Il y a 50 ans que les femmes ont obtenu le droit de vote en Suisse. Si on peut se réjouir de cet anniversaire, il faut malheureusement constater que l’égalité entre hommes et femmes n’existe pas dans les faits, et certainement pas sur le plan économique.
En 2018, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), l’écart de salaire mensuel entre hommes et femmes est de 11.52%. Ce chiffre monte même à 18.55% pour les cadres.
Toujours en 2018 selon l’OFS, le taux d’occupation des femmes est nettement plus faible que celui des hommes. En effet, seules 41% des femmes ont un travail avec un taux d’occupation se situant entre 90% et 100%, contre 82% chez les hommes. A contrario, 35% des femmes travaillent à temps partiel entre 50% et 89%, contre 11% chez les hommes. Lorsque le ménage compte au moins un enfant, la disparité dans le taux d’occupation s’accroît.
En 2020, les directions d’entreprise en Suisse ne comptaient que 31.4% de femmes alors que le pourcentage des femmes ayant achevé des études supérieures est similaire à celui des hommes chez les adultes de moins de 45 ans.
Ainsi, l’égalité des chances de réussite économique entre hommes et femmes est une fiction. Les conséquences sont multiples. Sur le plan matériel, cela se traduit par des retraites plus faibles, et souvent, une dépendance financière de la femme.
Deux questions se posent naturellement. Premièrement, quelles sont les causes de cette inégalité économique ? Deuxièmement, que faire en 2021 pour aboutir à une économie réellement inclusive où les femmes ont autant de chances de réussite économique que les hommes ?

Les causes de l’inégalité

Il y a une multitude de raisons pour expliquer l’inégalité économique entre hommes et femmes, mais il y en a deux qui sont particulièrement importantes et qui valent la peine d’être analysées.
La première raison est culturelle. En effet, le modèle traditionnel de société est celui où l’homme travaille et la femme reste à la maison pour élever les enfants. Ce modèle a pour conséquence de perpétuer des stéréotypes que l’on voit malheureusement dès le plus jeune âge. On donne des voitures et des figures de super héros aux garçons et des poupées aux filles. A l’école, les filles font de la danse et les garçons du football. Si une fille choisit de faire des arts martiaux, cela étonne. Plus tard, lorsque le choix du futur métier doit être fait, on voit également des stéréotypes qui vont amener les jeunes femmes à privilégier certaines filières, comme l’éducation, le travail social, ou la santé et délaisser les filières plus techniques comme la science, l’ingénierie, ou la finance.
La deuxième cause de l’inégalité économique est la maternité et toute la période qui va de la naissance d’un enfant à ses débuts à l’école. En effet, durant cette période, la plupart des femmes veulent, et à juste titre, consacrer le plus de temps possible pour élever leur enfant. Il faut se rappeler qu’élever un enfant en bas âge est un travail à temps plein, qui requiert entre douze et seize heures par jour, sept jours sur sept. Toutes les mères le savent bien.
Le système économique actuel n’est de loin pas satisfaisant pour encadrer les mères et les aider à conjuguer vie professionnelle et vie familiale. En effet, la durée du congé maternité de 16 semaines est trop courte. A quatre mois, le nourrisson est totalement dépendant et requiert une attention continue. L’Organisation Mondiale de la Santé conseille d’ailleurs une période d’allaitement, si cela est possible pour la mère et l’enfant, de six mois. En Suisse, la capacité d’accueil en crèches est insuffisante, et les coûts trop élevés. Ainsi les mères sont souvent obligées à opter pour un travail à temps partiel, voire à sortir du monde du travail, ce qui va pénaliser leurs ambitions professionnelles.

Les solutions

La première chose à faire est de mettre une fin aux stéréotypes. Il faut encourager les filles et les jeunes femmes à choisir des filières techniques. A l’école, dans les cours de mathématiques et de sciences, des efforts particuliers doivent être faits pour rendre ces domaines plus intéressants pour les filles. Lors des études supérieures, les enseignants et professionnels de l’orientation doivent encourager les jeunes femmes vers les filières techniques, que cela soit la mécanique, les sciences, l’informatique, ou le management d’entreprises.
La deuxième chose à faire est de revoir le système de congé maternité et de mettre en place un système qui permette aux mères de s’occuper de leurs enfants aussi longtemps qu’elles le souhaitent, tout en leur permettant une réinsertion rapide dans le monde du travail. Ceci implique une augmentation des capacités d’accueil dans les crèches et une diminution de leur coût. De plus il faut augmenter la durée du congé maternité. A titre d’exemple, en Bulgarie, le congé maternité est de 415 jours. Puis la mère a la possibilité d’avoir un congé parental rémunéré d’une année durant lequel un poste de travail lui est garanti. Toute mère sait que les deux premières années d’un bébé peuvent être difficiles et tout système social qui ne prend pas en compte une telle durée est conceptuellement erroné et pas ancré dans la réalité.
La troisième chose à faire est de mettre en place des mesures de réinsertion pour les femmes qui veulent revenir dans le monde du travail ou augmenter leur taux d’occupation. Ceci passe par la mise en place de formations professionnelles qui doivent être organisées en partenariat avec les entreprises, ainsi que des postes de travail qui doivent être réservées pour des femmes de retour de congé maternité.
Une conséquence heureuse du Covid-19 est le bouleversement que la pandémie a eue sur le monde du travail, et la remise en question de l’organisation du travail. Le télétravail, qui était considéré comme une utopie il y a peu, est soudainement devenu une réalité presque du jour au lendemain. Ceci pourrait être un outil pour aider les femmes (et leurs conjoints) à mieux concilier vie privée et vie professionnelle. Le travail à distance, les formations à distance doivent devenir des outils d’inclusion des femmes.
Le problème de l’inégalité est connu de tous, depuis longtemps. Maintenant, il faut parler moins et passer à l’action. Le coût financier des mesures pour aider les femmes est important, mais ne rien faire coûte davantage en termes de potentiel de capital humain gâché.

Anton Sussland est fondateur de la société Sussland & Co S.A. Cette société est active dans la gestion de fortune et l’asset management et a mis en œuvre une gestion d’actifs où les critères d’inclusion des femmes et de diversité sur la place de travail font partie intégrante du processus de sélection des titres. Dans ce cadre Sussland & Co, est en train d’émettre, en mai 2021, un certificat géré de manière active sur les actions de sociétés mondiales promouvant l’inclusion et la diversité dans le monde du travail. La société propose également des conseils en investissement aux intermédiaires financiers.nts et prospects. Les banquiers obtiennent des engagements concrets et construisent leur book de façon durable, et de ne plus perdre les actifs qui sont à leur portée.