Nouveaux standards en matière de durabilité dans le domaine de la gestion et du conseil en placement

Nouveaux standards en matière de durabilité dans le domaine de la gestion et du conseil en placement

décembre 15, 2022 Non Par Invité(e)s

Alexandre de Boccard
Cofondateur

OA Legal SA (www.oalegal.ch)

Le 3 novembre 2021, « des mesures réglementaires ont été prises afin d’accroître la transparence en matière de durabilité pour les clients » par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma). Ces mesures s’appliquent notamment lorsque des placements collectifs suisses utilisent les termes « durable », « vert » ou « ESG » (environnement, social et gouvernance). Le thème ESG est ainsi devenu un sujet réglementaire en Suisse, en particulier dans le domaine de la gestion d’actifs. La communication de la Finma traite aussi du processus de conseil (point de vente). A ce sujet, la Finma se réfère notamment à un communiqué du Conseil fédéral dans lequel ce dernier recommande « aux acteurs des marchés financiers de publier la méthodologie et les stratégies sur lesquelles ils se basent pour tenir compte, conformément aux devoirs de loyauté et de diligence en vigueur, des risques climatiques et environnementaux dans la gestion du patrimoine de leurs clients ». La Finma reporte en particulier au Guide pour l’intégration des facteurs ESG dans le processus de conseil auprès des clients privés de l’Association suisse des banquiers du mois de juin 2020.

L’objet de la présente publication est de faire un état des lieux synthétique de l’actuelle autorégulation en Suisse dans le domaine dit « ESG » en lien avec la gestion de fortune, le conseil financier et la promotion d’instruments financiers. La présente publication n’a pas de caractère exhaustif.

Association suisse des banquiers (ASB)

L’ASB a adopté plusieurs textes dans le domaine ESG. En juin 2020 déjà, l’ASB avait publié un Guide pour l’intégration des facteurs ESG dans le processus de conseil auprès des clients privés « en vue d’intégrer progressivement les facteurs ESG dans le processus de conseil pour les clients privés ». Ce guide fixe des principes notamment qui concernent :

(1) la détermination des attentes du client quant aux placements ESG, qu’il convient de documenter dans le cadre du processus de conseil;

(2) la formation appropriée des conseillers dans le domaine ESG.

Les recommandations en vertu de ce guide n’ont toutefois pas de force contraignante. Depuis lors, l’ASB a établi de « nouvelles prescriptions minimales pour la prise en compte des critères de développement durable dans le conseil en placement et le conseil hypothécaire », qui remplaceront prochainement le guide de 2020. « Les nouvelles directives fixent pour la première fois des prescriptions contraignantes en matière de développement durable, qui s’appliqueront dans le cadre du conseil en placement et de la gestion de fortune, d’une part, ainsi que du conseil hypothécaire, d’autre part. » Les nouvelles prescriptions de l’ASB entreront en vigueur le 1 er janvier 2023 et « divers délais transitoires sont prévus pour permettre aux banques d’adapter leurs processus internes ».

Les nouvelles directives de l’ASB couvrent notamment les aspects suivants : l’obligation d’information du client (sur les solutions de placement ESG), les informations à récolter de la part du client dans ce domaine (profil du client), le « matching » entre les attentes du client (profil du client) et les solutions de placement proposées, les obligations de documentation et de compte rendu (au client) et la formation initiale et continue dans le domaine ESG.

S’agissant par exemple du profil du client, l’ASB indique ce qui suit : « La vérification du caractère approprié ou de l’adéquation à laquelle il y a lieu de procéder dans le cadre du conseil en placement ou de la gestion de fortune vaut aussi pour les solutions de placement ESG. il appartient donc aux prestataires de services financiers de s’assurer que cette vérification inclut les préférences ESG des clients.»

S’agissant des attentes du client, l’ASB distingue les clients considérés comme « neutres sur le plan ESG » (qui peuvent se voir proposer aussi bien des solutions de placement ou des instruments financiers ESG que des solutions de placement ou des instruments financiers sans critères ESG) des situations où le client a émis des préférences ESG.

En termes de documentation, « les prestataires de services financiers documentent de manière appropriée :

a. si les clients ont des préférences ESG ou sont neutres ;

b. le cas échéant, quelles sont les préférences ESG des clients ;

c. si les caractéristiques ESG d’une solution de placement ESG ou d’un instrument financier correspondent aux préférences ESG exprimées par les clients ;

d. que les clients ont été informés des éventuels écarts entre, d’une part, les préférences ESG exprimées et, d’autre part, les solutions de placement et/ou les instruments financiers proposés ».

Conclusion

Les exigences réglementaires dans le domaine ESG se précisent notamment par le biais de l’autorégulation. Les établissements non-membres de l’ASB, tels que les gestionnaires de fortune, peuvent appliquer ces directives sur une base volontaire, ou pas. A défaut d’autorégulation actuellement directement applicable aux sociétés de gestion de fortune (respectivement aux conseillers financiers et sociétés actives dans la promotion d’instruments financiers), il conviendra de suivre l’évolution de cette réglementation et notamment d’analyser si ces directives (s’appliquant aux banques) deviendront un standard de référence également pour les autres acteurs du marché tels que les gestionnaires de fortune indépendants, les conseillers financiers et les personnes actives dans la promotion et l’offre d’instruments financiers.

Alexandre de Boccard
Alexandre de Boccard, fondateur de l’étude OA LEGAL, est avocat inscrit aux barreaux de Genève et de New York spécialisé en droit financier. Il conseille des banques, établissements financiers, notamment des gestionnaires de fortune collective (Asset Managers) et des GFI, des émetteurs d’instruments financiers, des fondations de prévoyance professionnelle, des FinTech (y compris des plateformes de crowdfunding), notamment dans le domaine du droit financier et du droit contractuel