Inclusion des femmes dans le monde économique et de la finance

Inclusion des femmes dans le monde économique et de la finance

septembre 12, 2021 0 Par Invité(e)s

Anton Sussland
Founder & Managing Partner
Sussland & Co SA

L’approche financière moderne tient compte non seulement d’éléments financiers, mais également d’éléments sur la durabilité de l’entreprise. L’analyse « ESG » pour « Environnement, Social, Gouvernance » s’est popularisée.

Souvent les analyses ESG se focalisent sur l’aspect de l’environnement, et délaissent les aspects sociaux et de gouvernance. Il est clair que c’est plus facile de mesurer l’impact environnemental des activités d’une entreprise. Des mesures comme la quantité de tonnes de CO2 émises par unité de chiffre d’affaires sont faciles à établir. De même, il est aisé de quantifier les déchets émis, leur pourcentage de recyclage, ou encore la quantité d’eau potable utilisée dans les processus de production. 

Cependant, les mesures sur les aspects sociaux et de gouvernance sont plus difficiles à établir car elles portent sur quelque chose d’intangible. En effet, comment mesurer la diversité ou l’inclusion sociale dans une entreprise ? Comment mesurer la qualité d’une gouvernance d’entreprise ?

Dans cet article, je vais me focaliser sur un des aspects sociaux : l’inclusion de la femme au travail. L’analyse de l’inclusion des femmes dans les entreprises doit se faire de manière rigoureuse. Les analyses simplistes qui mesurent le pourcentage d’employés féminins ou encore les écarts de salaires entre sexes sont insuffisantes. Comme point de départ, il faut considérer les deux grandes différences entre hommes et femmes

La première différence est évidente. Les femmes portent les enfants, les accouchent, et s’en occupent de manière prépondérante, surtout dans la période de la petite enfance. Il est ainsi évident que toute inclusion sérieuse de la femme dans l’économie doit passer par des mesures permettant à la femme de pouvoir concilier activité professionnelle et rôle de mère, sans devoir à choisir de privilégier l’un ou l’autre. 

Une flexibilité du temps de travail et du lieu de travail est indispensable. Corollaire de la flexibilité du temps de travail : il faut cesser d’évaluer un employé sur sa « production » de travail. En effet, si on juge les personnes que par cet élément, les femmes qui ne travaillent pas à temps plein seront systématiquement défavorisées par rapport aux hommes. Une refonte des processus pour l’évaluation de la performance et la promotion hiérarchique des employés est indispensable. 

Il faut aussi permettre la réinsertion professionnelle des femmes après une période de congé maternité ou de travail à temps réduit. Ceci implique une mise à disposition de formations, mais aussi une mise à disposition de postes de travail. Une femme, après un congé maternité ou une période de travail à réduit, doit pouvoir retrouver rapidement un poste de travail avec des responsabilités au moins équivalentes à ce qu’elle avait auparavant.

La deuxième différence entre hommes et femmes est liée aux fonctions cognitives. On sait que dans le développement de l’embryon humain, la production différenciée des hormones chez la fille ou le garçon en développement va influencer sur les connections neuronales qui commencent à s’établir dès la cinquième semaine de grossesse. Ces différences ne vont bien évidemment pas influencer les capacités cognitives, toutefois elles vont influencer les processus cognitifs, par exemple, la manière d’encoder les souvenirs, évaluer les émotions, reconnaître des visages ou encore résoudre certains problèmes. L’évaluation de facteurs variés dans le cadre d’une prise de décision est un cas où les différences cognitives entre femmes et hommes peuvent apparaître. Il est bien connu que les hommes ont tendance à prendre davantage de risques que les femmes. Ceci se retrouve notoirement dans les statistiques de décès par mort accidentelle. 

Dans le monde des affaires, on sait que les hommes, dans des situations de pression, vont avoir un biais pour prendre plus de risque alors que les femmes vont avoir un biais pour prendre moins de risque. 

L’histoire de la finance est remplie de pertes colossales engendrées par une prise de risque excessive dans un monde machiste où l’image virile du trader règne dans l’esprit collectif. Cette année, Credit Suisse aura perdu plus de CHF 5 Mia avec l’affaire du hedge fund « Archegos » qui a explosé en vol. Y avait-il des femmes aux commandes chez Credit Suisse ? La réponse est non. On pourrait évoquer à l’infini de cas similaires avec des dirigeants essentiellement masculins qui auront coulé leur entreprise. Des lecteurs se rappellent-ils Swissair ? 

La conclusion pour les entreprises est simple : une forte représentation féminine à tous les niveaux hiérarchiques est une mesure objective d’amélioration de la gestion et du contrôle des risques. C’est aussi simple que cela. Les investisseurs n’évaluent pas les entreprises sur la base de leur rentabilité, mais sur la base de leur rentabilité ajustée aux risques. L’inclusion des femmes dans les postes de direction va de pair avec création de valeur pour les actionnaires.

Toutefois, dans le monde actuel où le « paraître » prime sur la « réalité », il faut absolument mettre fin aux « effets d’annonce » vides de substance. Le Credit Suisse n’a évidemment rien appris de sa leçon, et tant son nouveau CEO que le nouveau président de son conseil d’administration sont des hommes. Pareil pour UBS. Idem pour Nestlé, Roche ou ABB… En fait, dans l’indice SMI des actions suisses des vingt plus grandes entreprises, il n’y a aucune femme qui est soit CEO ou présidente du conseil d’administration. Cherchez l’erreur.

Anton Sussland
Founder & Managing Partner
Sussland & Co SA

Titulaire du diplôme fédéral d’expert-comptable et du diplôme fédéral d’analyste financier et gestionnaire de
fortune, Anton Sussland est fondateur de la société Sussland & Co S.A. Cette société est active dans la gestion de
fortune et l’asset management et a mis en œuvre une gestion d’actifs où les critères d’inclusion des femmes et de
diversité sur la place de travail font partie intégrante du processus de sélection des titres. Dans ce cadre Sussland & Co,
gère des mandats et des produits financiers avec actions de sociétés mondiales promouvant l’inclusion et la diversité dans le monde du travail. La société offre des services de conseils en investissement aux particuliers et aux intermédiaires financiers.